l’oeil de l’homme est capable d’erabrasser! Cessant
donc de contempler cet horizon qui ne m’offrait
qu’un amas confus de vapeurs, je gravai profondément
sur le roc le nom de ia France, et, me
transportant par fa pensée vers cette terre chérie,
je fis des voeux pour qu’il me fût bientôt permis
de lui offrir le tribut de mes travaux ; tribut
modique, il est vrai, mais qui m’avait coûté bien
des fatigues et des tourmens!
Avec beaucoup de lenteur, l’armée sortit du
labyrinthe des coteaux qui avoisinént Singué,
et se fraya une route à l’ouest de celle que
nous avions suivie en venant. Jusqu’au mont
Qassân, nous fûmes entourés d’ennemis dont le
pacha avait expérimenté le courage et l’audace;
il avait donc jugé prudent de faire observer un
ordre de marche plus régulier que de coutume :
une arrière-garde de cavalerie protégeait les
derrières et faisait avancer les traîneurs; Haggi-
Hammed, à la tête de trois cents hommes,
appuyait un peu dans l’ouest r pour tenter de
prendre des nègres et observer leurs mouvemens.
Nous repassâmes deux fois lé petit torrent de
Serqoïi. La route se dirigeait sur des coteaux
couverts d’arbustes. Ce mouvement rétrograde
inspirait à tous les hommes une énergie nouvelle ;
les animaux eux-mêmes semblaient pressentir
qu’on revenait sur ses pas, et leur allure était
plus rapide et plus ferme. La joie était peinte sur
tous les visages ; les Bédouins et les Arnaoûtes
manifestaient la leur par des chants: le souvenir
des peines passées était banni de la mémoire;
toutes les pensées, tous les voeux, se portaient
vers l’Egypte. Ah! les miens allaient bien plus loin
encore ! A deux heures nous traversâmes le Khor
Ramleh [torrent de sable]., et à trois heures et
demie, le Khor Dys, torrens qui, l’un et l’autre,
vont aboutir au Tournât. Le second avait ici quarante
pas de large; il y coulait peu d’eau. Après
huit heures et demie de marche, on campa sur la
partie gauche de ce torrent. Le 12 février, 1 armée
partit à six heures un quart : la route, coupée
de proche en proche par de petits torrens, rendait
la marche très-pénible; on avait en outre à
monter et à descendre sans cesse, sur des coteaux
couverts de petits arbres touffus et d’une espèce
de bambous, à travers lesquels il fallait se faire
jour. Cette journée-là tout le sol se montra empreint
d’oxide de fer. A onze heures, on s’arrêta
près de la montagne de Qassân : les habitans
avaient promis de payer un tribut au pacha,
mais il n’y comptait guère ; il les laissa néanmoins