sans doute faite. Je Fassurai que je n’avais au
contraire qu’à me louer de leur complaisance et
de leurs excellens procédés. II me dit de venir
déjeûner avec lui dans sa maisoû : mais comme
je lui témoignai le désir de ne point quitter mon
travail, il donna Tordre d’apporter les mets qu’il
avait fait préparer. Des galettes de farine de froment,
une poule et un pigeon cuits dans le beurre;
furent étalés sur une sénie * : chacun se servit
de ses doigts pour manger au même-plat, suivant
l’usage ; et uji Arabe nous passait tourrà-
tour la bouteille d’eau. Je fus vraiment touché
de ces marques d’attention de ce ■ bon cheykh*.
Dès que mon travail fut fini v je lui envoyai des
conteries de Venise pour parer ses femmes ; puis
je revins traverser le fleuve. Arrivé à ma tente,
je voulus profiter de la fraîcheur du soir, et nous
partîmes aussitôt, à la clarté de la lune. Nous
quittâmes la province de Sokkot à Dal-Narou,
pour entrer dans l’Ouâdy ël-Hadjar [la vallée des
pierres]. Me trouvant bien fatigué, nous fîmes
halte à onze heures.
Le 5 juin, dès que le jour parut, nous nous
remîmes en route. Toute cette rive du fleuve est
presque déserte; les sables et les rochers qui
* Plateaiï qui tient lieu dé table. ( Voy. pl. XVI; ) - ’
CHAPITRE LIV. 255
l’encombrent y rendent la marche pénible; à
dix heures nous arrivâmes à Dal, île habitée,
comme plusieurs de cette vallée , par quelques
Arabes qui y vivent encore avec la simplicité
des premiers temps du monde. Isolés et paisibles,
ils semblent ignorer qu’il y. ait des pays où findustrie
et les arts luttent à l’envi pour procurer
à l’homme des plaisirs variés et contenter ses
fantaisies sans cesse renaissantes : pour eux le
bonheur consiste à jouir sans trouble du don
de l’existence ; l’orge et le dourah qu’ils recueillent,
le lait de quelques chèvres, suffisent à tous
leurs besoins. Le lit du Nil est ici obstrué de
petits rochers que les basses eaux laissent à découvert
et qui forment une petite cataracte. Je
levai deux vues de ces sites pittoresques ( voyez
vol. H, pl. XIX et X X ). La chaleur était accablante
: nous trouvâmes enfin un peu d’ombre
sous un rocher; le thermomètre à midi y monta
à 40°,5. Sur le soir nous reprîmes notre route,
que nous continuâmes une partie de la nuit.
Le 6, nous attendîmes à Tangour que la plus
forte chaleur du jour fût passée : près de ce lieu
est une île du même nom, où quelques misérables
Nubiens végètent sous des huttes de paille. Le
fleute est toujours parsemé de rochers. Les