insignifiantes , et je v q u s conduirai moi-même
aux sources du fleuve Blanc. Nous nous séparâmes
ensuite, en nous donnant des témoignages
réciproques d’affection et de cordialité.
Le jour convenu, à dix heures du matin ,
nous nous embarquâmes et partîmes aussitôt.
Des rochers de 12 àl5 mètres de hauteur encaissent
ici le fleuve. Après que nous eûmes
navigué une heure, une multitude de petits
rochers montrèrent à fleur d’eau leur crête; ils
semblaient appartenir à une cataracte qui paraît
à découvert dans les basses eaux. A quatre
heures, nous amarrâmes notre barque à la rive
orientale, en vue d’el-Messeyl, village à quelque
distance dans les terres. Depuis long-temps nous
n’avions joui d’autant de tranquillité et d’aisance.
Aussi cette première journée, qui contrastait
d’une manière frappante avec celles que nous
passions depuis si long-temps, nous fit éprouver
un sentiment de plaisir et de bonheur inexprimable
: dormir sans crainte d’être éveillé en
sursaut par le tambour du départ ; n’avoir plus
à redouter la soif, la faim, les alertes, les surprises,
la dent des animaux féroces ; n’avoir plus
à soigner, nourrir, abreuver, charger, décharger
des chameaux ; ne plus se voir exposé à être
enseveli dans des torrens, déchiré par les épines
des acacias et des nebkas , ou englouti dans
l’embrasement de quelque forêt; reposer paisiblement
ses membres sur un bon tapis entre des
draps blancs : ah ! cette vie nouvelle était pour
nous de la mollesse ; c’était le comble de la
félicité!
Le 19, nous partîmes à six heures. Les rives
ne laissent plus apercevoir aucune trace d’habitations
; des bois épais de grands doums, de baobabs
, d’acacias , les tapissent ; on distingue
seulement de loin à loin quelques sentiers étroits
fréquentés sans doute par des Arabes nomades,
ou par les habitans de quelques villages dont
les arbres nous dérobaient la vue. Quatre îles
incultes, mais en partie couvertes d’arbres, s’offrirent
successivement sur notre passage. Le lit
du fleuve était fréquemment obstrué par des
bancs de sable et de cailloux roulés, qui * sur ses
côtés, ont de 5 à 8 mètres d’épaisseur : tout le sol
qui compose la grève est un terrain de transport.
Entraînés par le courant et par l’impulsion
des rames, nous fendions avec rapidité la surface
des eaux : 1 agitation qu’y produisait le
battement cadencé des avirons , le bruit des
chants joyeux de nos Arabes, portaient le trouble
5*