l’île de Moqrât, la plus grande du Nil; près de
ià étaient deux petites îles. Le sol est couvert de
fragmens d’un calcaire primitif dur, rubané en
bleu : quelques doums croissent çà et là près du
fleuve. Toute cette partie est encore inhabitée.
Après avoir marché dix heures, nous nous arrêtâmes
à Abou-Hamed, extrémité septentrionale
du grand contour que fait le Nil. Abou-Hamed est
le tombeau d’un cheykh de ce nom : il est sous
un grand acacia. C’est là que les caravanes quittent
le Nil, et s’enfoncent dans le désert pour së
rendre à Sebou’ en Nubie. Chaque marchand,
avant de quitter ce lieu révéré, dépose sur la
tombe du cheykh tous les bagages qui l’embarrasseraient
dans la traversée du désert, persuadé
qu’il les retrouvera à son retour, qui s’effectue
souvent plusieurs mois après. Ce tombeau était
alors en effet entouré de selles de dromadaires,
de bâts de chameaux, de vieilles outres, de
nattes, de sel, de toiles d’emballage, de vases
grossiers en terre et en bois. Les propriétaires de
ces divers objets s’en vont aussi tranquilles de
les avoir laissés sous la sauve-garde inviolable du
vénérable défunt Abou-Hamed, que s’ils les savaient
bien renfermés dans leurs propres maisons .
Le territoire environnant est ombragé par des
acacias mimosas et des doums : les sables du
désert , poussés par les vents , s’y amoncellent et
forment des dunes ; les caravanes qui suivent
l’A’qabah d’Abou-Hamed à Sebou’, trouvent un
puits d’eau douce, nommé Absëah, situé à un
jour et demi de ce premier lieu; à une journée
plus loin, à l’endroit nommé Mourr-Hâd, il y
en a un second, dont l’eau est saumâtre. Dans la
saison des pluies et des orages, on trouve encore
de l’eau sur cette route à Médinet (mot qui signifie
ville'), et qui a bien pu être anciennement
un lieu de station, ainsi qu’à Oum-Rich et ailleurs.
Le neuvième jour , les caravanes arrrivent à
Sebou’; et de là, en suivant le Nil, elles se rendent
à Asouân en quatre jours. Depuis long-temps
cette route était infestée par les Arabes de Ta-
kakis, dans la province de Robâtât, qui, à l’exemple
des Chaykyés, détroussaient les caravanes qui
osaient se hasarder à la prendre, comme bien
préférable au grand A’qabah de Barbar à Asouân,
dont le trajet est de seize à dix-huit jours dans le
désert. Depuis qu’Ismây I avait soumis ces Arabes,
cette route commençait à être beaucoup plus
fréquentée.
Le 16, à une heure d’Abou-Hamed, nous
rencontrâmes el-Gouba ou Qâbâ, hameau qui