quatre ancres à la mer, nous avions sans cesse
ïa perspective effrayante de nous voir précipités
sur des rochers dont nons pétions qu’à cent
cinquante pas. Cette nuit fut une des plus terribles
que l’on eût vues à Gènes. De toute part
des cris sinistres se mêlaient au mugissement
des vagues. Pour faciliter les secours, on avait
allumé des feux sur le port; de temps en temps
le canon d’alarme se faisait entendre. Par la négligence
du capitaine, nous étions sans chaloupe
à la mer, et il n’était plus possible d’en mettre :
cependant le péril croissait toujours ; poussé avec
force vers les brisans, notre bâtiment avait chassé
de cinquante pas sur ses ancres. Chacun de nous
avait fait un paquet de ses effets les plus précieux.
,Je vis le moment où la plupart de mes collections
, mes dessins, mes notes manuscrites, après
avoir échappé à tant de risques, ftllspqpt..être
ensevelis dans les eaux qui baignent l’Italie * ;
mais la providence, qui. jusqu’alors nous avajt
protégés, ne voulut ppint nous abandonner dans
cette occurrence périlleqse. A fprçe de chasser,
les ancres trouvèrent un point de résistance, et
notre bâtiment se maintint à quatre-vingts pas
* T el fut le sort du ge'ne'ral M inutoli, dont la riche collection
¿"antiquités se perdit dans i’ooéan. •
des rochers, contre lesquels, sans ejela, il se fût
brisé, comme quatre autres qui, dans la nuit,
avaient subi ce triste sort.
Le 2 au matin, la plupart des passagers voulaient
débarquer et faire leur quarantaine à
Gènes. Forcé de suivre mes collections, je me
résignai , avec M. Letorzec, à continuer la navigation.
D’ailleurs le gros temps diminua beaucoup;
la mer s’aplanit; la nuit fut assez tranquille;
les vents, tournant au nord, semblaient
nous promettre du beau temps. Enfin, le danger
passé, personne ne songea plus à se faire mettre
à terre. Diverses avaries dans les mâtures furent
réparées ; et le 7 au soir nous mimes à la voile.
Toute la nuit, nous eûmes presque en poupe un
fo.rt vent du nord-est ; le lendemain au jour,
nous y hues le soleil dorer les coteaux de Nice.
Avec quelle douçç joie, quelle vive sensation
de plaisir, nous saluâmes les premières terres
de notre chère France!
Gê 9? surpris par le calme, nous eûmes peine
à atteindre 1 île de Pomegue ; ce ne fut qu’en faisant
remorquer notre bâtiment par la chaloupe ,
que nous pûmes aller mouiller sous cette île à
dix heures du soir, après une pénible traversée
de trepte-neuf jours.