en face de Tîlè de Bône ou Boûn. La chaleur,
qui était excessive , nous incommodait beaucoup
et excédait nos chameaux ; ce qui nous
obligeait à ne faire que de petites journées de
marche.
Le 22, la rive du Nil n’étant pas plus praticable
que la veille, nous prîmes, à travers le
désert, un chemin nommé A ’qabahel-Bedj qui
abrège le trajet qu’iL faudrait faire pour suivre
le coude que le fleuve décrit. Quatre heures
après, nous sortîmes de la petite province de
Monassir, pour entrer sur celle de Chaykye : des
tertres de pierres amoncelées en indiquent les
limites. Nous aperçûmes plusieurs grandes îles
que j’ai portées sur la carte., La largeur du Nil
varie d’un quart de lieue à une demi-lieue,
selon que son lit est plus ou moins encombré
d’îles et de masses rocheuses. La chaleur continuait
à être accablante ; le thermomètre marquait
au soleil jusqu’à 56° centigrades.
À dix heures et demie, nous nous arrêtâmes
à Chitab, lieu qui consiste en quelques cabanes
de paille dressées près du fleuve, en face de l’île
d’Abdassi, qui , comme la plupart de celles qui
le couvrent dans ce grand contour, est en partie
hérissée de rochers : c’est sur cet intervalle aussi
qu’existent les plus longues cataractes. Quelques
couches de terre limoneuse, déposées çà et là
dans les interstices des rochers, fournissent à
des acacias leur sue nourricier : la verdure qu’ils
étalent, et qui contraste avec la teinte noire de
ces rochers et avec la blancheur de l’onde écu-
mante qui les frappe sans cesse; ces sables
amoncelés qui semblent prêts à envahir le fragile
domaine de ces végétaux; les eaux se frayant
avec fracas un passage à travers les obstacles qui
embarrassent leur cours, et rongeant avec fureur
la grève qui les encaisse ; tout ici concourt à
étonner la vue et à frapper l’imagination. A quoi
tient, me disais-je, le sort des malheurèux qui
attendent leur subsistance au ijiflieu d’un pareil
chaos ?
Le 23, le vent brûlant qui souffla presque
sans discontinuer, ne nous permit pas de partir.
Dans toute cette'contrée, les Arabes mangent
des kysrs ou gâteaux de farine d’orge cuits
au feu; nous en faisions usage aussi et nous les
trouvions très-bons. Chaque soir, ces pauvres
gens, qui avaient à peine eux-mêmes de quoi
vivre, nous apportaient un de ces gâteaux;
tribut d’hospitalitéj disaient-ils, qu’ils doivent aux
voyageurs. Ce n’était pas sans étonnement qu’ils
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