Pour couper le grand coude que fait le fleuve
au-dessous de Derr, nous prîmes notre route par
ie désert, où nous campâmes. Le 19, à dix
heures, nous descendîmes dans la vallée du Nil
au Cheykh Addedayn, Après nous y être abrités
quelques heures, nous nous engageâmes le soir
dans un chemin difficile sur des sables qui, descendant
de hautes montagnes,.se jettent dans le
fleuve, près duquel ils ne laissent qu’un petit
sentier. Pour nous sortir de ce mauvais pas, il
fallut gagner les parties élevées du désert, et nous
allâmes passer la nuit dans le temple de Sebou’.
Ce monument est en grande partie creusé dans le
roc : une avant-cour ou pérystile, orné de statues
dans le genre des caryatides, et le pylône, sont
construits en grès. Comme àEbsambol, les sables
du désert avaient bouché l’entrée de ce monument.
MM. Sait et Binks la firent déblayer, et
trouvèrent à l’intérieur de fort belles salles couvertes
de sculptures coloriées, parmi lesquelles
une barque se faisait remarquer. Les sables s’y
étaient de nouveau tellement amoncelés, qu’après
quelques tentatives, je me vis contraint de
renoncer au désir que j’avais d’y pénétrer. Cette
entreprise au reste n’avait pour but que de satisfaire
ma curiosité personnelle; car j’étais bien
convaincu que la sagacité et l’érudition de M. Sait
ne m’avaient rien laissé à glaner ici.
• Le lendemain 20 juin, longeant le Nil de très-
près, nous vîmes une barque qui montait le
fleuve : j’y reconnus des Européens. L’un d’entre
eux était M. Gorthon, Anglais, capitaine de
frégate, qui se rendait à Dongolah. Son projet,
comme le mien, était de suivre le fleuve Blanc.
C’était un marin robuste, bien déterminé à tenter
seul cette périlleuse entreprise : mais il y succomba
comme tant d’autres voyageurs. Il avait,
peut-être imprudemment, voulu se soumettre
trop vite à la vie dure etaux usages des Arabes ;
comme eux , un caleçon et une chemise composaient
tout son vêtement; il se jetait à l’eau et y
nageait à toute heure du jour ; il s’abstenait scrupuleusement
de toute nourriture recherchée,
pour s’accoutumer à supporter plus tard les
privations et les fatigues que pouvait présenter
un tel voyage. Tant de dévouement et une si
ferme résolution ne furent point couronnés du
succès; il tomba malade et mourut avant d’arriver
à Sennâr. Nous primes gîte le soir au petit village
de Naouabât : le cheykh du lieu nous reçut très-
bien; il voulut que nous habitassions sa maison,
et nous invita à partager son souper, qui con