Cette question, que les documens historiques
laissent encore indécise, acquiert, selon moi,
beaucoup de clarté, lorsqu’on fait un examen
attentif des monumens et des productions naturelles
de l’Ethiopie ou Nubie supérieure. Je n’ai
point la présomption de croire que mes idées
lèveront tous les doutes sur un sujet si long-<
temps controversé ; mon unique but est d’en
faire naître de meilleures. J’ai rapporté un
grand nombre d’usages anciens, qui se sont
perpétués dans la Nubie, et dont il ne subsiste
plus de traces en Egypte : on ne peut, j’en conviens,
tirer de cette circonstance aucune induction
qui amène à penser que ce ne fut point
dans ce dernier pays que ces usages prirent
naissance. Mais si nous parvenons à établir que
les principaux objets consacrés au culte des anciens
Egyptiens étaient des produits qui appar- ■
tenaient exclusivement à l’Ethiopie, on sera porté
à reconnaître que ce culte ne fut .point créé en
Egypte. En effet, les fondateurs d’institutions
religieuses durent naturellement offrir à la vénération
de leurs concitoyens les choses qui chaque
jour étaient sous leurs yeux. Or, l’Egypte, sous
un climat sec et brûlant, ne puf être habitable
que lorsque le Nil, y déterminant son cours,
vint déposer son limon au pied des chaînes
de rochers toujours arides qui le bordent *.
L’Ethiopie, au contraire, pays pluvieux et
élevé, n’eut jamais besoin, pour être fertile,
de ce secours étranger et précaire. Ses vastes
forêts, peuplées d’animaux de tout genre, présentèrent
en foule aux premiers habitans qui
s y fixèrent, des alimens à leurs grossières superstitions.
Là ils purent adresser de pieux hommages
au scarabée dont les. auteurs nous ont
transmis la description , au cynocéphale et à
d autres singes, à l’ibis, à des serpens, au bison,
à l’hippopotame, à la girafe, à féléphant, au
rhinocéros, au lion, ,à l’autruche, si rare en
Egypte,.à la pintade, communément employée
comme coiffure dîsis dans les bas-reliefs des
temples; enfin à l’oreillon,. si toutefois cet animal
a existé. Le règne végétai mettait à leur
disposition le persea, l’encens, les parfums, les
bois odoriférans, la cannelle**, et tant d’autres
* Car nous n’admettons point que l'Egypte fût jadis un pays
boisé; tout ce que nous savons à ce sujet est contraire à cette
opinion. Les recherches de végétaux fossiles que Ton y a faites en
vain à plusieurs reprises, en sont une preuve irrécusable.
** On m’a assuré du moins qu’iï y en avait quelques pieds à peu
de distance de Fazoql : je présume que l’on y trouverait aussi le
lotus double , qui ne se voit plus en Egypte.
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