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 productions étrangères, de tout temps, à l’Egypte.  
 Outre  les  animaux  propres  à  leur  pays,  les  
 Éthiopiens possédaient tous ceux qu’on sait avoir  
 été  en Egypte des objets de culte. Le chameau,  
 que  l’on  ne voit  nulle  part  dans  les  sculptures  
 de FÉgypte  ou de la Nubie, est venu  de l’Asie.  
 On peut admettre avec vraisemblance qu’un animai  
 si précieux n’aurait pas . été oublié parmi les  
 emblèmes  du  culte  primitif,  si  ses  fondateurs  
 l’eussent  connu;  et lorsque  les  institutions religieuses  
 eurent acquis de la fixité,  les Egyptiens  
 s’abstinrent de ranger le chameau,  qui n’existait  
 point en Ethiopie,  parmi leurs animaux symboliques. 
 Sans  contredit ,  la  première  pensée  d’un  
 peuple qui se constitue en société  doit sè tourner  
 vers les animaux et les végétaux destinés à subvenir  
 à  ses  besoins.  Ce  n’est  qu’après  avoir  
 étudié les moeurs et les inclinations  des uns,  les  
 propriétés  salutaires  ou  nuisibles  des  autres,  
 qu’il peut leur  assigner un  rôle parmi  les  êtres  
 qu’embrasse le sy stème religieux qu’il s’est formé :  
 or,  cette  étude  n’est  possible  que  sur  le  lieu  
 même  où  existent  ces animaux,  ces  végétaux.  
 On  a dit avec raison que c’est en descendant les  
 fleuves que  se  faisaient les migrations des  peuplades  
 qui cherchaient à former un établissement.  
 En  adoptant  cette  gradation  naturelle,  on  ne  
 saurait se refuser  à  conclure  que l’Ëthiopie  fut  
 habitée avant FÉgypte. C’est donc l’Éthiopie qui  
 eut  dabord  des  lois,  des  arts  ,  une  écriture;  
 mais ces élémens de civilisation, grossiers encore  
 et imparfaits, n’acquirent qu’en Égypte un grand  
 développement,  qui y fut favorisé par le  climat,  
 la nature du sol et la position géographique. Là  
 le ciseau du sculpteur vint revêtir de formes plus  
 régulières les emblèmes des croyances primitives  
 de ses concitoyens, pour en décorer ces temples,  
 ces  monumens  qui etonnent  par  leurs  masses  
 imposantes, et dont le tèrritoire de Thèbes présente  
 encore aujourd’hui de si magnifiques restes. 
 Ainsi,  comme  lavaient  déjà  écrit plusieurs  
 . savans, entre autres M. Jomard, les arts perfectionnés  
 en  Égypte remontèrent le fleuve  qiufs  
 avaient jadis  descendu  dans leur enfance.  Telle,  
 fut en effet mon  opinion en  1816,  à  la vue des  
 monumens de la basse Nubie, bien reconnus aujourd’hui  
 comme postérieurs, la plupart, aux monumens  
 de Thèbes.  Suivant  Hérodote,  l’armée 
 II serait curieux de visiter les grottes  des anciens Troglodytes :  
 peut-etre y trouverait-on quelques ébauches  de l’art;  car il fut bien  
 plus facile  de  creuser dps montagnes que de tailfer des pierres pour  
 élever et couvrir des édifices.