VOYAGE À MÉRO É,
tribut que les habitans s’étaient engagés à
fournir. Voyant que le village était presque
désert, iis setaient emparés d’un des chefs du
lieu, qu’ils gardaient à vue chez fui. Dans cet
état des choses, je ne jugeai pas prudent de
prolonger ici mon séjour; vers midi, je retournai
au camp. Lorsque j’y arrivai, les soldats étaient
à cheval, et partaient en toute hâte pour aller
saccager Singué. On apprit, le soir, que
les troupes avaient pris dans les environs deux
cents nègres et Arabes.
Le 7, toute l’armée alla camper près de
Singué, dans un enfoncement ou vallon formé
par la grande chaîne de montagnes de Qebeych,
qui domine le pays au nord et à l’ouest. A deux
heures de l’après-dînée, ia plupart des Turcs,
suivant leur usage, étaient livrés au sommeil,
lorsque les nègres, réunis au nombre de mille
environ, profitèrent' de ce moment pour descendre
des montagnes de l’ouest. On les aperçut
enfin, et Ion alla réveiller le pacha' et les
canonniers; mais avant que l’artillerie eût pu
jouer sur eux, ils avaient eu le temps d’avancer
jusqu’à trois portées de fusil *• du camp, où ils
tuèrent à nos yeux deux soldats qui s’en étaient
écartés. L épouvante que le canon répandit
parmi eux les contraignit de remonter précipitamment
la montagne. Cinq cents hommes de
cavalerie et d’infanterie se mirent à leur poursuite
: ne pouvant les atteindre, ils passèrent
leur rage, comme de coutume, en incendiant
les maisons. Je pris une vue de Singué aü
moment de cette échauffourrée. ( Voy. vol. I ,
pl. I. ) Les troupes revinrent avec quinze prisonniers
seulement, qui leur avaient coûté six
des leurs. Le 8, le pacha envoya de nouveau.
à leur poursuite Omar kâchef, avec trois cents
hommes de cavalerie. L’ennemi, au nombre de
huit à neuf cents, était à trois quarts d’heure de
là, sur la haute montagne de Fâlogoun : il
n était guère facile de l’y atteindre ; néanmoins
les Turcs parvinrent à engager l’action avec un
parti de cinq cents environ ; ils en tuèrent
cinquante et firent dix prisonniers ; ce qui leur
coûta neuf hommes et huit blessés. Ils revinrent
le même jour. Contre l’ordinaire, le pacha fît
placer pour la nuit des sentinelles hors du
camp : il sentait cette fois-ci la nécessité de se
mettre en garde contre les surprises. En effet,
les feux de l’ennemi, éparpillé sur les hauteurs
environnantes, nous tinrent sans cesse éveillés
et les armes à la main.