deux sont anthropophages et font usage de
flèches empoisonnées, et qu?à ï occident du
fleuve, il y a d’autres nègres non moins barbares,
qu’on nomme Chelouks. A Dinka, le
fleuve est très-large. Les habitans des monts
Goui et Rore, comme ceux del-Qérébyn, se
disent musulmans et pratiquent la circoncision.
Les troupes turques restèrent huit jours à
Dinka ; e t, revenant sur leurs pas jusqu’à Rore,
elles firent de là une petite incursion sur les
monts Bouck et Tâby, où nous étions allés nous-
mêmes. Elles prirent à Tâby deux cents nègres,
et revinrent par eI-Q.érébyn au Sennâr.
Toussoun bey, resté chef du çorps d’armée
d’Ibrahym, s’était fait aimer des troupes. Il n’avait
point permis qu’on traitât les nègres capturés
avec cette inhumanité révoltante qui m’avait si
souvent navré le coeur; il voulait qu’on pourvût
le mieux possible à leurs besoins, et sur-tout
qu’on ne leur fît point endurer les angoisses de
la soif. J ’allai lui faire une visite; il me fit
prendre le café et fumer une pipe. II me dit
ensuite qu’il allait me donner un spectacle fort
amusant. Armé d’un fusil chargé à balle, il se
mit à coucher en joue un Arabe qui était dans
le fleuve: te coup part, cet homme fait le
plongeon , et reparaît un instant après. Le même
manège recoiHmence à plusieurs reprises; et
chaque fois la réapparition de l’ Arabe excite les
longs et bruyans éclats de rire des spectateurs.
Enfin celui-ci sortit de l’eau et vint baiser. la
main du bey, qui lui donna quelques piastres.
Depuis huit jours, me dit Toussoun , je tire sur
cet homme sans avoir pu l’attraper. Je m empressai
de prendre congé de lui, de peur quil
ne lui vînt la fantaisie de recommencer un passe-
temps qui ne me paraissait point du tout risible.
Comme Ismâyl, il me recommanda de dire à
Mohammed-Aly qu’on lui avait donné une idée
infiniment trop avantageuse du pays où ses
troupes avaient tant souffert, sans aucun résultat
de quelque importance. Quant à lui, tous ses
voeux tendaient à retourner au Caire : chefs,
soldats, domëstiques, tous nous félicitaient et
portaieant envie au bonheur que nous aurions
bientôt de revoir le beau ciel de l’Egypte. J’aurais
voulu passer par le Koürdofan, où Mohammed
bey commandait : j’eusse retrouvé en lui un
ancien protecteur, et dans son médecin, le docteur
Marucki , un ami véritable ; enfin ce pays
m’eût offert un sol que les regards d’aucun observateur
n’avaient encore exploré. Je fus con