LE S A J O U MALE.
I l n’y a peut-être aucun quadrumane, et même aucun mammifère, plus difficile
à caractériser que ces Singes d’Amérique vulgairement connus sous le
nom de Capucins, et dont les. couleurs varient, pour ainsi dire, comme les
individus. Oïl ne trouve pas deux auteurs qui s’accordent sur le nombre d’espèces
dont cette famille se compose. Brisson en reconnaît trois, Linnoeus quatre,
Gmelin six, Buffon deux, et il serait bien possible qu’il n’y en eût qu’uné,
comme M. G. Cuvier le suppose. Deux causes peuvent occasionner cette diver-
sité de sentiments: l’une consisterait dans la disposition naturelle qu’auraient
ces animaux à se modifier et à prendre des teintes plus ou moins claires, ou
plus ou moins foncées; l’autre serait due à la composition naturelle du genre
Sajouÿe’est-à-dire à l’intime connexion des espèces qui le constituent; mais les
observations ne sont encore ni assez multipliées ni assez exactes pour qu’il soit
possible de reconnaître quelle est la véritable; et les Sajous qu’on apporte en
Europe sont en si grand nombre, les figures qui en ont été données sont si
nombreuses elles-mêmes, qu’il est peu vraisemblable qu’on parvienne à d’autres
résultats que ceux qu’on a obtenus, en n’ayant pas recours à des moyens différents
de ceux qu’on a employés. Aussi je pense qu’on ne pourra bien faire con-
naîtrexes Singes qu’en les examinant dans les contrées où ils vivent en liberté, et
où toutes leurs qualités naturelles reçoivent un entier développement; c’est-à-dire,
dans les contrées où l’on pourra voir comment la nature elle-même les rapproche
ou les sépare, soit pour les réunir en une seule espèce, soit pour les diviser en
plusieurs. Mais un travail qui est en notre pouvoir doit précéder celui que nous
indiquons, afin de le rendre plus facile. Ce serait trop exiger d’un voyageur
que de lui imposer l’obligation de distinguer toutes les variétés de couleurs
sous lesquelles les Sajous se présentent à nous, pour rechercher ensuite dans
quel ordre ces animaux se réunissent et quels sont leurs rapports avec la partie
de la terre qu’ils habitent. Pour résoudre cette difficulté il aurait peut-être
à parcourir d’immenses contrées, la plupart désertes et avec tous les embarras
que de semblables excursions nécessitent, et qui sont peu propre? à favoriser
les observations minutieuses, que ces difficultés demanderaient. Au contraire,
placés dans un point où les productions de tous les mondes viennent aboutir,
rien nest difficile pour les naturalistes européens, dans ce premier travail;
cest à eux par conséquent, de l’entreprendre, et c’est dans la vue d’y contribuer
que nous nous, attacherons à donner la. figure exacte de tous les
Sajous qui se feront remarquer par quelques caractères particuliers.
Celui qui fait 1 objet de cette description a les proportions suivantes :