chiens : car il est à remarquer que certains animaux, quoique d’espèces différentes,
contracteront plus aisément de l’affection l’un pour l’autre lorsqu’on les
réunira,que ceux qui appartiendraient à la même espèce; disposition en apparence
opposée à l’instinct de la sociabilité, mais qui au contraire lui est constamment
unie et pour le renforcer, comme nous aurons occasion de le montrer
ailleurs.
Ce castor était d’une taille assez petite. Dans la position où il est représenté, il
avait sept pouces de hauteur au train de devant, et neuf et demi à la partie
la plus élevée du train de derrière. Sa queue, de lanus à son extrémité, avait
dix pouces; et la longueur de son corps, de l’anus au bout du museau, était de
quatorze pouces. C’était, comme on le voit par le dessin, un animal épais, trapu,
sans agilité dans les mouvements, et dont toute la physionomie était en accord
parfait avec les qualités physiques; et, à cet égard, tous les Castors que ja i vus
se ressemblaient; mais tous aimaient l’eau, se plaisaient à s’y plonger, y trempaient
ordinairement leur nourriture; et tous aussi s occupaient à ramasser et à
entasser tantôt dans un coin, tantôt dans un autre, tous les corps légers qu’ils
rencontraient: la paille, les débris de leurs aliments, tout, en un mot, ce qui
était à leur portée. C’était leur instinct à bâtir qui se manifestait. Celui-ci, au
contraire, a toujours vécu dans la plus grande inaction, quoique libre au milieu
d’une petite cour, où il aurait trouvé tout ce qui lui aurait été nécessaire, s’il
eût été porté à construire; et ce qu’il y a de plus extraordinaire peut-être,
c’est qu’il fuyait l’eau, et qu’il n’est jamais entré dans un petit bassin quon lui
avait fait creuser, ni pour se baigner, ni pour humecter ses aliments, comme les
autres le faisaient toujours. Mais il n’aimait pas à etre seul : il cherchait constamment
à se rapprocher des personnes qui le soignaient, et presque tout son temps
se passait à dormir. C’est ainsi qu’il a vécu plusieurs mois en très-bonne santé,
mangeant peu, ne buvant presque jamais, et sans donner le moindre témoignage
d’aucun sentiment. Pendant tout le temps qu’il a été sous mes yeux, il n’a montré
ni joie, ni colère, ni désirs ; car ses besoins eux-mêmes avaient à peine assez de
force pour le tirer de sa lenteur habituelle. Quelquefois il faisait entendre un
petit son bien faible et bien doux, principalement lorsqu’il paraissait contrarié
d’être touché, ou lorsqu’il desirait de suivre les personnes qui le quittaient; et il
répondait par ce même son lorsqu’on l’appelait ; car il avait appris à reconnaître
son nom, ou plutôt la voix de son maître, ce qui le placerait encore, par l’intelligence
, au-dessus de plusieurs autres rongeurs, véritables exemples de stupidité.
On ne saurait attribuer son peu d’activité intellectuelle et l’affaiblissement de ses
dispositions instinctives, qu’à son esclavage et à son apprivoisement dans son extrême
jeunesse. Rien en effet ne doit plus arrêter le développement des facultés de l’instinct,
que l’absence de tout besoin, de tout désir, et sur-tout qu’une sécurité profonde;
c’est ainsi que les muscles ne se développeraient pas si tous les mouvements
étaient rendus impossibles.
Du reste, cet animal avait exactement la même organisation que les autres
Castors : quatre molaires sans racines proprement dites, de chaque côté des deux
mâchoires, sur la couronne desquelles l’émail présente trois plis d’un coté et un
de l’autre, qui s’élargissent en pénétrant dans la dent, et qui sont dans des rapports
opposés aux dents des deux mâchoires. Ces dents ont la faculté de croître
par leur propre développement, pendant toute la vie de l’animal, la capsule
dentaire restant toujours libre; et elles sont à-peu-près d’égale grosseur Les
incisives sont tres-fortes; leur face externe est unie,plate et d’une couleur orangée-
leur face interne est incolore et triangulaire. Il avait cinq doigts à chaque l d ,
palmes aux pieds de dernere et libres à ceux de devant; ceux-ci étaient courts
et petits a proportion de ceux de derrière, et garnis d’ongles propres à fouir
Les ongles des trois doigts externes s’usent et deviennent très-obtus; ceux des
deux autres conservent leur forme aiguë. Le doigt du milieu est le plus long-
les deux qui le touchent, plus petits que lui, sont de longueur égale, ainsi que
ceux qui correspondent au pouce et au petit doigt, qui sont les plus courts de
tous. La paume a deux tubercules charnus à sa base, et l’interne est divisé en
m m i derri,ère’ S0US le raPP°rt de Ia proportion relative des
doigts et de la forme des ongles, sont semblables à ceux de devant; mais ils
en différent en ce quils sont beaucoup -plus-longs,jt sur-tout, comme on sait
en ce quils sont entièrement palmés. On y trouve un ongle double à l’avant-
dermer doigt du coté interne. Cet ongle, situé sous l’autre, en est détaché, et
.1 est obtus et tranchant. La plante a deux tubercules à sa base; et au bout
de chaque doigt on voit un petit lobe charnu, sur lequel l’ongle se pose, mais
auquel il nadhère pas.
Dans la marche, le Castor n’appuie sur la terre que les doigts des pieds de
devant ; mais il appuie la plante entière des pieds de derrière. Lorsque les
pieds se lèvent les doigts se rapprochent, et ils s’écartent dans le mouvement
contraire, et cela par la disposition même des muscles. Quand il se repose
il est ordinairement couché sur sa queue, qu’il ramène sous lui, en la fai!
sant passer entre ses deux pattes de derrière. La queue, de forme elliptique
peut se mouvoir de haut en bas et de droite à gauche avec assez de force; mai!
habituellement 1 animal l’abandonne à son propre poids et la traîne après lui.
Lceil est petit, ainsi que la pupille, qui est ronde, et qui se ferme presque
entièrement a une vive lumière. Ce n’est qu’à un jour faible et doux qu’elle se
dilate de manière a devenir sensible. La troisième paupière n’est qu’en rudiment-
les Castors ne paraissent pas avoir besoin de préserver leurs yeux du contact"
de leau. Loreille a une conque externe d’une structure très-simple, assez petite
et de forme elliptique. Lorsque l’animal plonge, cette conque se ferme en Rabaissant
contre la tête, et en se ployant de manière que la moitié antérieure s’applique
sur 1 autre moitié. Les narines, prolongées au-delà des mâchoires, ont une
torme irrégulière, ne sont point entourées d’un mufle, et se ferment quand l’animal
pénétre dans l’eau. Leur partie antérieure paraît composée d’un cartilage particulier,
pourvu de muscles et de ligaments propres, car il se meut avec vivacité
et dune manière très-uniforme, sur-tout quand le Castor paraît flairer un corps
La langue est douce, peu extensible; et sa partie postérieure, très-épaisse, peut
s appliquer au palais et fermer l’arrière-bouche; la lèvre supérieure est fendue
La voix, lorsque l’animal est inquiet, consiste d’abord en un petit bruit sourd,
qui finit par se changer en un éclat assez semblable à un aboiement. Elle est
douce lorsqu’il éprouve un sentiment agréable ou quelque désir.