fait de véritables nageoires , et les uns et les autres sont armés d’ongles ; les
mains sont les seules parties des membres antérieurs qui paraissent au dehors
; les membres postérieurs suivent des lignes parallèles à celles du tronc,
et ils ne se montrent au dehors que depuis le calcaneum; les pieds se touchant
par la plante, sont placés sur le côté, le pouce en bas; à ceux de
derrière, le premier et le dernier doigt sont les plus grands; enfin, aux pieds
de devant, le plus grand des doigts est le premier et les autres vont en diminuant
graduellement.
Ces animaux , très-remarquables par la forme de leur corps et de leurs
membres, le sont aussi par celle de leurs sens. Un museau court, des orbites
sans sourcils , un front large , un crâne vaste et arrondi , leur donnent une
physionomie qu’on ne retrouve point chez les autres mammifères. Leurs yeux,
grands , ronds et à fleur de tête , ont une pupille semblable à celle des chats
domestiques; elle se dilate et prend la forme d’un disque à une faible lumière,
et elle se retire au grand jour. Les paupières sont étroites et se rapprochent
très-rarement : l’animal ne paraît pas avoir besoin de nettoyer la
surface de ses yeux aussi souvent que les autres mammifères; et, lorsque ces
organes se meuvent, on voit la peau du front et des joues former des rides
qui annoncent que la pannicule charnue prend part à ce mouvement. La
troisième paupière est assez développée; elle s’aperçoit, mais je nai jamais
vu l’animal en faire usage.
Les narines, situées en arrière du bout du museau, présentent deux ouvertures
longitudinales qui forment entre elles à-peu-près un angle droit ; ordinairement
elles sont fermées : l’animal ne les ouvre que lorsqu’il veut faire
sortir l’air de ses poumons, ou y en introduire de nouveau ; alors elles deviennent
circulaires. Cette manière de respirer donne un moyen facile d apprécier
la vitesse de la respiration, et il est à remarquer que le Phoque respire
d’une manière très-inégale, et souvent à des intervalles fort éloignés ; habituellement
il se passe huit à dix secondes'entre chaque inspiration, et j’ai souvent
vu cette fonction être suspendue pendant une demi-minute , sans que l’animal
y fût obligé. Il semble que les narines sont dans leur état habituel lorsquelles
sont fermées, et que ce n’est que par un effort, que l’animal parvient à les ouvrir;
mais la quantité d’air qui entre dans le poumon est assez cQnsiderable, à en
juger par le mouvement des côtes et par l’air chassé à chaque expiration. Il
faut, en effet, que la masse d’air inspirée supplée la rareté des inspirations; car
peu de mammifères m’ont paru avoir une chaleur naturelle aussi grande que
les Phoques. Je n’ai pu fixer entièrement mon opinion sur ce point; les animaux
que j’ai examinés n’étaient point assez privés pour me laisser faire des
expériences délicates, et je n’aurais pu compter sur celles qui auraient été accompagnées
de violence. C’est au reste le cas de remarquer que ces animaux
ont une très-grande quantité de sang, comme plusieurs voyageurs lont constate.
Les oreilles externes ne consistent qu’en un rudiment dont la forme est triangulaire
et dont les dimensions, tant en hauteur qu’en largeur, vont à peine
à trois ou cinq lignes. Elles sont placées au-dessous de 1 oeil , un peu en
arrière; mais, quoique cette situation soit toute particulière, la partie osseuse
n’en est pas moins à la même place que chez les autres mammifères,
ce qui oblige le conduit auditif de ramper obliquement sous la peau pour
rejoindre l’ouverture du timpan: ce rudiment de pavillon se ferme lorsque
1 animal pénétré dans l’eau. La langue est douce, un peu échancrée à la pointe,
et je n ai jamais vu aucun Phoque la faire sortir de sa bouche. Les lèvres sont
minces , mais extensibles. Les moustaches sont, je crois, chez ce singulier
animal , une des parties où le toucher a le plus de sensibilité. Ces poils, placés
de chaque côté de la bouche et au coin de l’oeil , communiquent avec
des nerfs remarquables par leur grosseur, et auxquels le plus léger mouvement
imprime une sensation , comme je m’en suis convaincu plusieurs fois.
Les dents des Phoques ont des caractères particuliers qui seuls distinguent
ces animaux de tous les autres mammifères. Les incisives sont au nombre
de six à la mâchoire supérieure et de quatre à l’inférieure ; les canines sont
semblables, pour la forme et pour le nombre, à celles des carnassiers; et
les molaires, au nombre de cinq de chaque côté des deux mâchoires, sont
tranchantes , triangulaires et analogues aux premières molaires des carnassiers,
que nous avons nommées fausses molaires; seulement, elles sont un peu plus
épaisses â leur base et leur tranchant est plus découpé; du reste, elles ont les
mêmes relations de mâchoire à mâchoire: celles de la mâchoire inférieure
correspondent aux vides que laissent entre elles celles de- la mâchoire opposée.
Toutes ces dents , qui se ressemblent pour la forme, diffèrent pour la grandeur;
la première est plus petite que les autres, st elle est placée immédiatement
à la base de la canine. Telles étaient les dents des jeunes Phoques
que jai possédés; mais leurs molaires étaient vraisemblablement en plus petit
nombre que chez les Phoques adultes; en effet, Lepechin en donne quatre
de plus à ces animaux.
Il est évident, d’après ce que nous avons dit de la structure de ses membres,
que le Phoque est essentiellement destiné à vivre dans l’eau, et que tous ses
mouvements sur terre doivent être lents et pénibles. Il ne se sert guères de ses
pattes que pour nager, e t , à moins qu’il ne veuille grimper, il ne les emploie
pas pour se transporter d’un lieu dans un autre. Lorsqu’il veut marcher,
il applique alternativement sur le sol la partie antérieure et la partie postérieure
de son corps, en reployant son dos à-peu-près comme les chenilles
ârpenleuses ; dans ce genre de mouvement, les pattes du Phoque sont inactives;
quelquefois on voit celles de devant étendues, immobiles de chaque côté de
son corps, et d autres fois elles sont reployées sous sa poitrine, sur-tout lorsque
sa marche est pressée. Cependant quand il veut grimper il s’en sert très-utilement
pour s accrocher avec ses ongles, et il en fait usage aussi pour se
défendre et pour frapper; celles de derrière ne lui sont utiles que pour nager,
encore ne s en sert-il pas toujours. Alors les pattes antérieures pressent l’eau de
toute leur largeur en s’abaissant, et elles se relèvent en se rapprochant du corps,
et en tournant le poignet de manière à ne présenter à l’eau que le' tranchant
de la main du coté du pouce; les pieds de derrière ne font que s’écarter et se
rapprocher, car ce sont les seuls mouvements dont ils sont susceptibles ; mais
lorsqu ils seloignent leurs doigts se rapprochent, et au contraire lorsqu’ils se
T'approchent leurs doigts s’écartent, ce qui fait que la membrane qui réunit ces
doigts présente, ou non, sa surface à l’eau ; en général, les doigts des pieds
de devant comme ceux des pieds de derrière ne peuvent se mouvoir séparément.
Lorsque les Phoques se reposent et dorment, ils s’étendent sur l’un ou l’autre