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LE GRISON.
L e s Mammifères qui se nourrissent de chair, et sur-tout de proie vivante,
passent encore parmi nous pour des animaux intraitables, toujours altérés de
sang, que la seule vue d’une proie fait entrer en fureur , qu’aucun soin ne
peut adoucir, et qui résistent, par la seule force de leurs penchants, aux moyens
les plus propres à apprivoiser les autres animaux. B u f f o n dit, en parlant du
tigre : « Il n’a pour tout instinct qu’une rage constante, une fureur aveugle, qui
« ne connaît, qui ne distingue rien... Il est peut-être le seul, de tous les animaux,
«dont on ne puisse fléchir le naturel; ni la force, ni la contrainte, ni la vio-
« Ience, ne peuvent le dompter. Il s’irrite des bons comme des mauvais traite-
« ments ; la douce habitude qui peut tout, ne peut rien sur cette nature de
« fer, il déchire la main qui le nourrit, etc., etc. »
Cette erreur vient de ce quon a jugé le naturel de ces animaux d’après les
moeurs quils acquièrent lorsqu’ils sont en liberté, abandonnés à eux-mêmes, et
livrés à leurs seules ressources pour l’entretien de leur vie. Alors sans doute,
exclusivement à leurs appétits sanguinaires, et au sentiment de leur conservation,
ne pouvant avoir que des victimes ou des ennemis, ils agissent constamment
dans la vue de se rendre maîtres des unes et de se débarrasser des autres :
cest-à-dire que toutes leurs actions sont cruelles et violentes. Il n’en est plus de
même dès qu’ils se développent dans d’autres rapports et sous d’autres influences.
S ils sont commis de bonne heure aux soins de l’homme, ils prennent des moeurs
nouvelles, leurs penchants destructeurs s’affaiblissent, des penchants plus sociables
se manifestent; et ces carnassiers, qui répandaient la terreur autour
d eux, se livrent aux plus douces affections , et se soumettent avec confiance
à la voix de tous ceux qui leur ont fait quelque bien.
Ce sont les grands carnassiers sur-tout qui s’apprivoisent avec le plus de
facilite; on éprouve plus de résistance de la part des petits. Les premiers, ayant
de la force, ont reçu une intelligence indépendante; les autres, pour suppléer
à la force, ont obtenu l’instinct, et l’instinct est ennemi de tout développement.
Cependant, comme entre certaines limites, il ne peut pas y avoir, de la part
des animaux, de résistance absolue aux influences extérieures, les plus petits
carnassiers eux-memes finissent toujours par s’apprivoiser; mais ce nouvel état
se montre en eux avec des caractères qui leur sont exclusivement propres.
Le G r i s o n est un de ces petits carnassiers, tout entiers à leur instinct, qui
ne reçoivent qu une influence très-circonscrite du monde extérieur, et sur les-
([uels 1 homme n’a presque aucun moyen d’action. L’individu que nous avons
possédé, et que nous avons fait représenter, avait cependant été apprivoisé à