toute autre personne qui se serait approchée de lui l’aurait irrité, et il se
serait jeté sur elle, principalement lorsqu’elle aurait eu le dos tourné. Sa
colère n’était point aveugle : corrigé vigoureusement sans doute , lorsqu’il
manifestait le désir de frapper de la tête , il avait appris qu’il arrivait
plus sûrement à son but en attaquant par derrière que par devant; tant qu’on
le regardait fixement il se tenait a l’écart, s’il vous voyait sur-tout un bâton
à la main ; mais dès qu’on se retournait il s’avancait sur vous. Il frappait aussi
du pied de derrière lorsqu’il n’avait plus la tête libre et qu’il était retenu par
son anneau. Cétait pour lui une extrême contrainte que d’être ainsi retenu,
et cependant son intelligence n’alla jamais jusqu’à reconnaître les préparatifs
qui avaient pour objet de passer une corde à travers l’anneau de son nez;
il se laissait approcher et ne s’apercevait de ce qu’on voulait faire que lorsqu’il
était trop tard pour l’éviter , que lorsqu’il était pris. On doit remarquer
qu il distinguait fort bien si une personne était ou non dans la situation
de se défendre contre lui; c’est-à-dire qu’il s’était formé dans son
esprit, entre cette situation et les corrections qu’il avait reçues, ou les succès
qu’il avait obtenus, une intime association; et qu’au contraire aucune liaison
ne s’était établie entre la présagée d’une corde dans les mains de son gardien
et les douleurs qu’il ressentait ou la gêne qu’il éprouvait après que cette corde
était passée dans l’anneau de son n e z , lorsqu’il voulait fuir. La petite différence
qui existe entre les deux circonstances que nous venons de rapprocher
donnerait-elle la mesure de l’intelligence de cet animal?
Ce Bison est encore jeune; il n’a point encore acquis loulc sa taille; mais
il a sans doute les proportions , et par conséquent la physionomie , qui sont
naturelles à son espèce. Ses formes trapues, l’épaisse crinière de sa tête ses
yeux petits , mais vifs , la hauteur de 'son g a r o t s a couleur Nombre lui
donnent un air si farouche et si méchant, que l’attention en est vivement
frappée r^ rTju e cét animal a été pour le public un singulier objet de curiosité,
quoique chacun reconnût en lui une grande ressemblance avec le
boeuf ; en effet il a tous les caractères des boeufs proprement dits , qui se
distinguent des buffles par des particularités assez remarquables, comme nous
le montrerons pour les premiers, en parlant du boeuf domestique, et pour
les seconds, en parlant du buffle d’Italie. Ses caractères spécifiques consistent
dans l’épaisse chevelure qui couvre le sommet de sa tête, les longs poils
qui garnissent ses- joues , son chanfrein, et qui forment une barbe épaisse
sous sa mâchoire inférieure ; par les manchettes qui entourent ses jambes
de devant; la laine qui recouvre son cou et ses épaules, et les poils courts
et serrés de toutes les autres parties de son corps. Ces diverses sortes de
poils sont noirs à la tête, marron aux épaules et brun foncé sur le dos,
les côtés, le ventre et le train de derrière, et ils paraissent être en grande
partie de nature laineuse. Ceux d’hiver ne diffèrent de ceux d’été que parce
qu ils sont plus longs, sur-tout aux parties postérieures du corps. Les cornes
sont petites ; elles naissent horizontalement des côtés de la tête et se relèvent
ensuite verticalement, de sorte que l’animal frappe de côté ; et comme il peut
diriger sûrement ses coups, ses yeux étant dans la même direction que ses
cornes, il est beaucoup plus dangereux que le boeuf ordinaire dont les cornes
sont en général dirigées en avant.
Voici les dimensions de cet animal :
Longueur de la naissance de la queue à celle des cornes.. . 6 pieds. 3 pouces.
— de la naissance des cornes au bout du nez i » 7 »
— de la queue t v g „
Hauteur au garot....................................*............................................... 4 „ B
— à la çroupe 3 „ u a
On a donné plusieurs figures de ce Bison; Hernandez, Aldrovande, Jonston,
Lawson, Catesby, etc., l’ont fait représenter, mais très-médiocrement. Buffon
a été plus exact (Suppl., Tom. III, pl. V ) ; seulement les sabots des pieds
de devant de son Bison sont difformes, parce que l’individu qu’il a fait dessiner,
vivant continuellement attaché, ces sabots ont cru avec excès. Pennant
et Shaw en ont également publié de passables.
Novembre, 1819.