à se cacher dès qu’il avait la moindre inquiétude, et il exprimait sa crainte
par un sifflement peu prolongé. Il aimait à recevoir des caresses, mais il ne
les rendait pas, et quoiqu’il témoignât de l’affection, il ne marquait jamais une
entière confiance, cependant il venait à la voix des personnes qu’il connaissait;
au contraire, il s’éloignait de celles qui lui étaient étrangères, en les regardant
avec défiance, et en les menaçant même de ses faibles dents; car ce sont là les
seules armes que ces animaux aient pour se défendre. C’est par leur agilité sans
doute, et par leur prudence qu’ils échappent à leurs ennemis, bien plutôt que
par leur force ; elle ne suffirait même pas pour les défendre contre les plus
petits oiseaux de proie. Quelquefois notre Marikina semblait, par son cri,
témoigner de l’ennui et de la tristesse; ce cri consistait alors dans un sifflement
d’un seul ton élevé et doux, Irès-prolongé. Comme les oiseaux, il aimait
à se tenir dans la partie la plus élevée de sa cage; il n’en descendait que rarement,
et le faisait toujours à reculons; il prenait ses aliments, tantôt avec ses
mains, tantôt avec sa bouche, et buvait en humant. Dès qu’il était repu, c’est-
à-dire dès qu’il avait mangé la valeur d’une noix ou d’une pomme de
moyenne grosseur, il remontait bien vite en empoignant les objets auxquels
il pouvait se suspendre, mais avec rapidité et en s’élançant vivement d’un
objet à l’autre. Quoiqu’il n’eût pas de pouce séparé aux mains de devant, il
ne s’accrochait pas avec ses'Ongles, il empoignait véritablement. Jamais je
ne l’ai vu marcher sur ses pieds de derrière, et je crois que c’est à tort que
D e S e v e a dessiné ainsi le Marikina de B u f fo n. Il se tenait habituellement assis
sur les tarses, comme il est représenté dans notre dessin ;-sa queue ne lui
était d’aucune utilité, elle restait toujours pendante. Voici les dimensions de
ses différentes parties :
Longueur de l’origine de la queue à la nuque 7 pouces 6 lignes.
— de l’occiput au bout du museau.............................................. 2
— de la base de la queue à son extrémité...................................10
de la cuisse........................... 3 6
— de la jambe. » ........................................................................... 3
du pied, du talon au bout du grand d oigt.......................... 3
— du coude au haut de l’épaule • ■ 2 6
— du bras................................: ........................................................... 3
— de la main, du poignet au bout du grand doigt................ 2 3
Il était généralement d’un beau jaune clair, un peu plus doré à la crinière,
à la poitrine et sur la croupe, et un peu plus pâle sur le dos, sur les cuisses,
à la base de la queue, et sous le ventre postérieurement. Sa face était nue
et livide, depuis les sourcils, ainsi que la paume de ses mains; la peau de son
corps était couleur de chair.
Son pelage était d’une seule nature; il ne së composait que de poils soyeux,
mais très-fins et beaucoup plus longs sur la tête et sur le cou qu’aux autres
«parties du corps, ce qui lui formait cette crinière qui, avec sa couleur jaunâtrë et sa
face large et peu saillante, lui donnait, en effet, quelque ressemblance avec le lion.
Voilà pourquoi ces animaux ont été appelés par les voyageurs petits singes-
lions. Sa queue était également couverte de poils sur toutes ses faces, et n avait
point de flocons à son extrémité, comme le dit B uffon de l’individu qu’il a
fait graver; les pattes étaient couvertes de poils très-courts, et les fesses n’étaient
ni nues ni calleuses.
Cet animal n’avait pas de front proprement dit : Jes poils naissaient immédiatement
au-dessous des sourcils, mais là ils étaient courts dans un espace
triangulaire assez bien indiqué dans notre dessin. Ses sens n’offraient rien de remarquable
: ses yeux avaient la conformation de ceux de l’homme, et sa vue semblait
être assez bonne. Comme tous les singes d’Amérique, les ouvertures de ses
narines étaient écartées l’une de l’autre , et percées sur les côtés du nez qui
avait un peu de saillie, sur-tout à sa racine; l’odorat paraissait obtus; la
bouche était grande, la langue douce,et les lèvres étaient minces. Iln’y avait point
d’abajoues, et le goût n’avait pas une grande délicatesse, quoique l’animal fût
assez difficile sur le choix de sa nourriture; l’oreille externe était ronde, avec
un rebord seulement à la partie supérieure, et n’avait point de lobule, du
reste elle ressemblait à celle de l’homme; la partie postérieure de la conque
était couverte de poils, et l’oreille elle-même était tout-à-fait cachée dans la
crinière. Tous les pieds avaient cinq doigts longs et grêles; aux mains, celui du
milieu était le plus long, ceux qui le touchaient, de chaque côté, avaient entre eux
la même longueur, à peu de chose près; l’externe ou le petit doigt venait à la
suite des trois précédents pour la longueur, et l’interne, qui tenait la place du
pouce, mais qui n’était point séparé des autres doigts, était le plus court. Aux
pieds de derrière, le doigt du milieu et celui qui vient après, en dehors, étaient
de la même longueur; les deux autres, plus petits que les précédents, étaient
aussi de longueur égale, et le pouce, extrêmement court, n’atteignait pas même
à la naissance des doigts. Aux pieds de derrière le poupe était distinct, et lui
seul avait un ongle plat; tous les autres étaient’ garnis d’ongles crochus très-
allongés, étroits et pointus.
LesMarikinas ont trente-deux dents, seize à chaque mâchoire, c’est-à-dire
quatre incisives, deux canines et cinq molaires. Celles-ci sont à couronnes plates’,
la plus voisine des canines est une fausse molaire, à une seule, pointe; les
quatre autres, peu différentes.pour la grandeur, ont des tubercules mousses;
mais nous ferons connaître ces dents plus en détail en traitant de ces ani-
maux sous leurs rapports génériques.
Nous ne connaissons que trois figures reconnaissables du Marikina, i° celle
de B uffon (in-4 , tome XV, pl. 16.), qui a une queue beaucoup trop courte,
et que le dessinateur a encore reployée au bout pour la faire tenir dans son
cadre, sans la raccourcir davantage. Elle représente un mâle,et a été faite d’après
un individu vivant. 2° Celle de P e n n a n t , très-grossièrement gravée, et qui a été
essinée daprès un individu empaillé ou malade; car on ne pourrait pas expliquer
autrement la queue mince, presque nue, terminée par un flocon de poils,
et semblable à celle des loirs, qui lui a été donnée. 3° Celle d ’AuDEBERT. (Hist. nat.
es Singes, fîg. 6, sec. 2, pl. 3.) faite d’après un individu empaillé, et fort
inexacte.
est B u ffo n qui, en français, a donné à cette espèce de sagouin, le nom de
arikina. Ce nom paraît être, d’après le père d ’A B E v iL L E , celui qu’elle porte au