LA MONE.
S i Félégancfe dans les formes, la grâce dans les mouvements, la douceur
dans le caractère, la finesse dans l’intelligence, la pénétration dans le regard,
tout ce qui, dans un animal, enfin, peut le faire rechercher et donner pour
lui de l’affection, offraient aux naturalistes des caractères propres à former des
groupes dans leurs classifications, la Mone, dont j’ai à parler, devrait incontestablement
servir de type à l’une de ces divisions; car elle se distingue,
par ces diverses qualités, de la plupart des autres guenons, et sur-tout de
celles que j’ai décrites jusqu’à présent: le Malbrouck, le Callitriche et le Gri-
vet; j’en excepte le Mangabey, plus doux que les espèces précédentes, sans
l’être toutefois autant que cette Mone; mais, si ce bel animal ne présente aucun
caractère physique propre à confirmer la distinction que ses qualités morales
indiqueraient, c’est que celles-ci tiennent sans doute à sa nature particulière,
et à l’éducation que son extrême douceur lui a méritée. En effet, l’espèce
de la Mone ne se distingue essentiellement des autres guenons que par ses
couleurs, et celles-ci ont une variété qu’on ne rencontre point chez les autres
espèces. Sa tête est d’un vert doré brillant; son dos et ses flancs sont d’un
beau marron tiqueté de noir ; le dessus de ses jambes, de ses cuisses et de
sa queue, d’un gris d’ardoise pur; et son cou, sa poitrine, son ventre et la
face interne de ses membres, d’un blanc éclatant. De chaque cote de ses joues
sont d’épais favoris jaune paille, mélangés de points noirs; et Ion voit
deux taches très-blanches de chaque côté de la queue,au haut des cuisses,
qui tranchent avec la couleur foncée de ces parties. Ses pattes sont couleur
de chair livide; sa face, des yeux jusqu’au nez, est bleuâtre, et sur le reste
du museau, couleur de chair pure.
Cette variété de couleur avait fait penser à Buffon que la Mone était le
Kebos des Grecs ; mais cette synonymie ne repose que sur une simple conjecture.
Les Anciens ne nous ont presque jamais parlé des singes , de manière
à les faire reconnaître ; ils se bornaient à nommer les animaux, comme
s’ils eussent ignoré que les langues suivent la destinée des peuples, ou comme
s’ils n’eussent écrit que pour leurs contemporains.
C’est aussi assez arbitrairement que Buffon a donné à cette guenon le nom
de Mone, générique dans l’Orient pour les singes à longue queue ; toutefois
ce nom, n’ayant chez nous aucune signification, a pu sans inconvénient devenir
spécifique. Il n’est presque jamais possible au naturaliste d’appliquer à une
espèce étrangère et nouvelle, un de ses véritables noms ; mais si celui qu’il
donne est bien choisi, quoiqu’arbitrairement, il est toujours préférable à ces
dénominations composées, tirées de quelques caractères apparents, qui ont le
grave inconvénient de ne point être des noms, et sur-tout de finir presque toujours,
ou par ne plus être exclusifs, ou par être inexacts: le maki à front blanc