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B §
L’ASCAGNE.
J ’a i dit, en parlant de la Mone, que si l’on jugeait de la nature de ce bel
animal par ses qualités aimables, sa douceur, sa gentillesse, la grâce de ses
mouvements, et, si je puis m’exprimer ainsi, l’honnêteté de ses goûts, il faudrait
en faire le type d’un genre distinct de celui des Guenons, c*est-à-dire du Calli-
triche, du Malbrouck, etc. ; mais que malheureusement son organisation ne présentait
aucun trait propre à fonder ce genre, ou plutôt ce sous-genre nouveau.
Depuis que j’ai eu occasion d’examiner cette Mone, notre ménagerie a possédé
deux autres quadrumanes qui avaient le même caractère quelle: une confiance
entière et une vive affection pour ceux qui leur faisaient du bien, une familiarité
douce, peu de pétulance, et moins encore de penchants désordonnés; on ne
pouvait pas voir d’animaux plus aimables et d’une gaieté plus amusante; l’un
était l’Ascagne, dont je donne aujourd’hui la figure, et l’autre était le Hocheur.
Cette ressemblance de caractère, en me ramenant à ma première pensée,
m’a fait porter plus d’attention encore sur l’organisation de ces animaux; car
il était impossible qu’il y eût tant de différence entre leur naturel et celui des
Guenons, que j’ai désignées plus haut, sans que quelques traces en eussent été
marquées au-dehors, sans que la structure de leurs membres eût été mise en harmonie
avec la nature de leurs penchants. En effet la forme de leur tête diffère
considérablement de celle du Malbrouck, du Callitriche, duGrivet,du Mangabey.
Chez ceux-ci le front fuit immédiatement en arrière, la partie antérieure du cerveau
est comprimée, et cet organe n’éprouve quelque développement qu’à la partie
opposée. Chez la Mone, l’Ascagne et le Hocheur, au contraire, le front s’élève
presque verticalement au-dessus des yeux. Ainsi l’angle facial, qui serait chez les
Guenons de 5o à 55 degrés, serait chez les Asçagnes, par exemple, de 60 à 65.
En effet, lorsque l’on compare deux têtes décharnées de même âge de ces deux
»roupes, on voit que l’une a les os du front bien plus bombés, les crêtes sourcilières
bien moins fortes que l’autre., et que la même différence se remarque
aussi dans les pariétaux. Ces caractères étaient déjà très^marqués sur la Mone;
mais, craignant qu’ils ne fussent individuels, je n’osai les généraliser. Aujourd’hui
que deux autres espèces me les ont offerts, en présentant d’autres rapports
encore avec ce quadrumane, je ne puis me refuser à les considérer comme
propres à un groupe qui, relativement à l’intelligence et à la douceur, ferait
le passage des Guenons aux Orangs; et l’on doit penser que, par un examen
plus attentif des espèces de ce groupe, on reconnaîtra en eux d’autres caractères
que ceux de la tête pour les distinguer des Guenons, et qui seront plus
faciles à saisir que quelques degrés de plus ou de moins dans la saillie du