LE GNOU FEMELLE.
S i la vue d’un tigre, d’un chat, d’une panthère, d’un lynx, ou bien celle
d’un loup, d’un chacal, d’un chien, e tc ., donne un juste sentiment de la
ressemblance qui doit exister entre des animaux pour qu’ils forment un genre
naturel, il suffira de rapprocher l’animal qui doit faire l’objet de cet article
du Kevel et de l’A lgazel, que nous avons déjà publiés, pour sentir que le
genre Antilope, auquel ils appartiennent aujourd’hui dans nos ouvrages systématiques
, est défectueux, et rassemble des animaux étrangers les uns aux
autres qui doivent être séparés en des groupes distincts. C’est Sparmann et
Pennant qui, les premiers, en ont fait un Antilope. Auparavant on regardait le
Gnou comme un Boeuf. Il n’était ni l’un ni l’autre. Il en est de la perception
des rapports naturels des êtres comme de nos autres jugements 5 ces rapports
sont aperçus, indépendamment de tout raisonnement, dés que l’esprit peut
percevoir les qualités des êtres entre lesquels ils existent. O r , les caractères
purement zoologiques, étant pour la plupart extérieurs, n’ont besoin, pour être
saisis, d’aucun autre instrument q u e . des sens : ils sont donc à la portée de
tous les hommes ; et dès que le sens commun se refuse d’admettre un rapport
comme naturel, ne sanctionne pas nos classifications, c’est que ces rapports
n’existent point en effet, c’est que nos classifications sont vicieuses. Il
pourrait se tromper dans ses rapprochements, parce que les ressemblances
extérieures n’entraînent pas nécessairement les ressemblances intérieures 5 mais
il ne commettra jamais d’erreur dans ses séparations 5 car la ressemblance des
organes internes ne rend jamais nécessaire la dissemblance des organes externes
et dès que cette dissemblance existe, elle suffit seule pour établir
d’autres rapports : seulement les réunions fondées uniquement sur ces rapports
extérieurs n’auront pas la même importance que si elles étaient établies sur
des organes d’un ordre plus élevé. Dirigé par la seule influence du sens commun
, le public, à la vue du Gnou dans notre ménagerie, jugea sainement
des rapports de cet animal, et ne le confirma point dans la place qu’il avait
reçue des naturalistes ; il en fit même le type d’un genre : ce ne fut point
pour lu i, comme pour les savants, une Gazelle ; ce ne fut aucun autre ruminant
en particulier j il reconnut dans cet animal des traits de Bouc, de Boeuf,
de Cheval , etc. : on aurait d i t , à l’entendre , qu’il s’agissait du monstre le
plus bizarre j et cependant ses comparaisons étaient justes. C’est ainsi que les
anciens décrivaient les animaux ; et l’exemple que nous rapportons, donné