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2 L E MAIMON.
subsiste toujours est entièrement due au sang ; et elle est d’autant plus étendue
et d’autant plus vive que l’époque du rut est plus près d’arriver pour
le Maimon femelle. Alors les mamelons sont couleur de rose, et toutes, ces
parties colorées de rouge sont tendues sans ceperidant être gonflées ; car le rut
ne se manifeste pas chez cet animal par ces exubérances qui caractérisent cet
état chez d’autres espèces; il paraîtrait que le sang, se répandant sur une
plus grande surface, ne tend pas à distendre autant les vaisseaux que s’il ne
s’accumulait qu’en un point plus circonscrit. Lorsque le rut est passé, on voit
des plis se former derrière les cuisses et à la base de la queue , plis qu’Au-
debert dans son Rhésus , et Buffon dans sa Macaque à queue courte, avaient
déjà remarqués, sans pouvoir s’en rendre raison.
Les poils dont le pelage de cette espèce se compose, sont extrêmement fins
et doux , et assez épais sur les parties supérieures du corps, mais très-rares
aux autres parties ; et ils sont d’une seule nature : tous sont soyeux. La peau
du Maimon offre aussi un caractère qui ne paraît point se retrouver chez les
autres Macaques ; c’est une flaccidité extrême : les jeunes individus ont déjà de
chaque côté de la gorge ces deux plis pendants, qui sont ordinairement des signes
de vieillesse, et les mamelles, ainsi que le ventre, prennent bientôt aussi ce
caractère. Il en résulte que lorsque l’animal s’engraisse, il acquiert des formes
tellement arrondies, qu’il en est monstrueux. Alors les mamelles sont proéminentes
et globuleuses comme celles d’une femme, le ventre s’agrandit, et la face
devient si large que l’animal en est presque méconnaissable. Les montreurs
d’animaux profitent ordinairement de ces circonstances pour présenter au
public les Maimons, comme des animaux d’une espèce très-extraordinaire et
voisine de l’orang-outang, mensonge que la vue d’une gorge arrondie et couleur
de chair, terminée par un mamelon couleur de rose, contribue à favoriser.
Les mâles ne diffèrent des femelles que par des favoris plus touffus , des
proportions plus trapues, une taille plus grande et des canines plus fortes.
La femelle adulte dont je donne la figure, avait, de l’origine de la queue
à l’occiput, i i pouces 6 lignes; de l’occiput au bout du museau, 3 pouces
6 lignes: sa queue avait 5 pouces q lignes; et sa hauteur, aux épaules, était
de 11 pouces.
Ces quadrumanes sont originaires de l’Inde; ce sont eux qui peuplent les
forêts des bords du Gange, et qui viennent jusques dans les villes, encouragés
par la répugnance invincible des Indienl pour tuer les animaux, afin d’y chercher
une nourriture plus, agréable que celle qu’ils trouvent dans les forêts. Je me
suis assuré de leur origine par des vaisseaux arrivés au Havre, qui venaiept
de l’Inde, et qui avaient pris plusieurs Maimons à bord.
Le naturel des Maimons m’a toujours paru intraitable. Tant que ces animaux
sont jeunes, ils sont susceptibles d’une certaine familiarité; mais bientôt ils
deviennent méchants, et l’âge les rend féroces. J’ai vu peu d’exception à cette
règle; et, comme ces singes ont beaucoup de pénétration, leur méchanceté
est très-dangereuse.
Buffon n’ayant qu’un jeune Maimon mâle sous les yeux , n’a pu' en indiquer
exactement les caractères ; c’est pourquoi il lui donne de très-petites canines,
et ne lui reconnaît point de scrotum; et la figure qu’en fit son dessinateur,
vue de face et assise, en donne une idée peu précise. On retrouve mieux ce
singe dans le Macaque à queue courte femelle de ce célèbre naturaliste. Cet
individu avait tous les caractères des femelles adultes, et il est impossible de
méconnaître l’animal dont je donne la figure, dans la description qu’il fait du
sien, et qui avait sur-tout cette couleur rouge si remarquable des cuisses, qui
n’a encore été observée sur aucun autre singe. La figure de ce Macaque est
d’ailleurs si exacte qu’on pourrait difficilement, en le voyant, ne pas se rappeler
les traits de l’espèce à laquelle elle appartient. Je ne doute pas aussi
que son Patas à queue courte ne soit un Rhésus; mais il a été décrit d’après
un individu empaillé qui avait perdu ses caractères principaux. Audebert a
donné une nouvelle figure de l’individu d’après lequel Buffon avait formé
cette espèce de Patas , et son Rhésus représente une femelle adulte , mais
vue de face, ce qui en déguise un peu le caractère. Schreber a copié le Macaque
à queue courte de Buffon, auquel il a faussement donné une couleur
d’un brun presque noir , et il l’a nommé Simia Erjthroea. C’est le nom que
les auteurs systématiques me paraissent devoir conserver; et lorsqu’on connaîtra
mieux les espèces du genre Macaque, on décidera si celle qui fait
l’objet de cet article doit conserver le nom de Maimon ou prendre définitivement
celui de Rhésus.
Octobre, 1819.