LE DAUPHIN VULGAIRE.
I l est un ordre entier d’animaux pour lequel nous ne pourrons jamais qu’imparfaitement
remplir l’engagement que nous avons contracté, de ne donner que
des figures faites sur la nature vivante; c’est celui des cétacées, de ces mam-
miferes qui habitent l’immensité des mers, et qui meurent aussitôt qu’ils sont
prives du milieu dans lequel ils sont destinés à se mouvoir. Dès qu’un de ces
animaux vient échouer sur le rivage ou y est entraîné par les pêcheurs, il
tombe dans un état de malaise et de souffrance qui est bientôt suivi de la
mort. L’impossibilité où sont des mammifères, qui cependant respirent l’air
comme les autres, de vivre plongés dans cet air, et sans le milieu qui semble
netre pour—.aux que ce .que la terrejesL.pour nous, et hors duquel les amphibies
vivent sans peine, est un phénomène dont la cause, encore inconnue,
mériterait bien d’occuper les observateurs qui habitent le voisinage de la mer
et se trouvent à portée de l’étudier. Mais s’il est impossible d’avoir vivant
sous ses yeux assez long-temps un cétacée pour le dessiner et le peindre, la
mort altère si peu ses formes, l’épaisse couche de graisse qui l’enveloppe de
toute part, et qui ne laisse point apercevoir l’affaiblissement des muscles, le
préserve si long-temps de la corruption, qu’il devient à-peu-près indifférent pour
avoir ses traits et sa physionomie de le représenter mort ou vivant; et cette
raison suffirait seule pour nous justifier, si l’impossibilité absolue d’avoir ces
animaux en vie, quelle que soit la situation où l’on se trouve, n’était pas elle-
même pour cela suffisante.
Le Dauphin dont je donne la figure fut pris il y a quelques années par les
pêcheurs de Dieppe, et envoyé immédiatement au Jardin-du-Roi. Sa longueur,
de 1 extrémité de la nageoire caudale au bout du museau, était de quatre pieds
deux pouces, et sa largeur, dans la partie la plus épaisse, était d’environ dix
pouces, ce qui n’est que la taille d’un très-jeune animal; les Dauphins adultes
atteignent jusqu’à dix pieds de longueur.
On voit l’immense différence qui se trouve, pour les formes générales,
entre ces animaux et les autres mammifères; aussi leur grande ressemblance
avec les poissons les a-t-il fait long-temps classer avec ces derniers; ce n’est
que depuis qu’on a reconnu l’identité qu’il y a entre leur organisation et celle
des animaux qui respirent l’air immédiatement et qui allaitent leurs petits,
qu’on les. a réunis avec eux dans la même classe ; cependant les formes que
nécessite la natation, lorsqu’elle est l’unique moyen de progression, apportent
des changements si grands dans les détails des organes, qu’on peut avec juste