LENCOUBERT.
L a nature des téguments dont les animaux sont revêtus se trouve en relation
tellement constante avec l’étendue de la respiration, qu’on a dû croire que l’une
était dans une dépendance nécessaire de l’autre, qu’elle en était l’effet; que les
plumes étaient le produit de la respiration la plus complète; les poils, d’une
respiration moindre, et les écailles, d’une respiration imparfaite. Les deux divisions
extrêmes ne présentent aucune exception à cette règle : on ne connaît ni
oiseau, ni reptile, ni poisson revêtus de poils; mais on trouve des mammifères
revêtus d’écailles. Cette différence viendrait-elle aussi de quelque modification
dans les organes respiratoires? C’est ce qui n’a point encore été constaté; mais il
est certain du moins qu’il y a une liaison constante entre la nature des téguments
des mammifères et l’état de l’atmosphère dans laquelle ces animaux
vivent; et si l’on se détermine d’après les analogies pour expliquer ce phénomène,
on admettra bien moins une action mécanique de la part de l’air, qu’une
action chimique. Quoi qu’il en soit, l’animal que je dois décrire ici, et dont je
donne la figure, pourra éclaircir quelques-uns de ces doutes lorsqu’on en fera
l’anatomie. Nous le possédons depuis plusieurs années très-bien portant, et ne
paraissant nullement souffrir de son changement de vie. C’est assurément un des
quadrupèdes les plus faciles à transporter et à faire vivre : un peu de viande et
de lait lui suffisent, et il n’a pas besoin de mouvement. Et comme c’est un de
ceux que l’on connaît le moins et qu’il serait le plus curieux d’étudier, précisément
parce qu’il se distingue d’une manière toute particulière des autres animaux
de sa classe, il serait à desirer que les marins connussent toute la facilité qu’ils
auraient à le conserver afin qu’ils fussent engagés par-là à le ramener plus souvent
en Europe.
Ce singulier animal ne peut être comparé à aucune des espèces qui sont généralement
connues, pour la physionomie et l’ensemble des formes; il est large et
plat habituellement, et il a la faculté de s’applatir encore davantage, ce qu’il fait
sur-tout lorsqu’il se couche au soleil; et ses jambes courtes et très-écartées ajoutent
encore au caractère particulier qui le distingue. Il paraît avoir des sens assez
obtus; son oeil petit a la pupille ronde; la conque externe de son oreille est simple
et peu étendue ; ses narines sont ouvertes l’extrémité du museau, elles sont
rondes et environnées d’une peau nue, mais non point glanduleuse ; sa langue
est douce, cylindrique et très-extensible; sa bouche très-fendue est garnie de lèvres
peu mobiles. Les pieds ont tous cinq doigts. Aux pieds de derrière comme à ceux
de devant, ceux qui répondent au pouce et au petit doigt sont les plus courts.
Des trois autres, c’est celui du milieu qui est le plus grand aux pieds postérieurs,