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LE CHATI FEMELLE.
B u f p o n dit quelque part, dans son immortel ouvrage, que la connaissance des
lieux dont les animaux sont originaires est nécessaire à la connaissance de ces
animaux eux-mêmes. C’est une vérité dont cet illustre et savant écrivain appréciait
toute importance, mais qui n’a pas été généralement appréciée de même.
est très-rare en effet de trouver dans les voyageurs des indications précises
propres à circonscrire nettement l’habitation des Mammifères; ils paraissent avoir
generalement partage l’erreur commune, que ces animaux, à l’état sauvage: usent
de leur indépendance pour se répandre partout où leurs pas peuvent les porter
dès que la nature du climat ou la force de leurs ennemis ne s’y opposent point!
Le fait est que la plupart des Mammifères voyagent peu; et il en est des espèces
comme des individus : leur habitation est circonscrite dans les circonstances
extérieures les plus favorables à leur existence; et l’on conçoit toute l’utilité qu’il
y aurait en effet à établir, par de justes observations, les rapports de ces circonstances
avec les êtres qui en éprouvent les effets. Par là on aurait de là
manière la plus générale et la plus certaine, les conditions dans lesquelles tels
ou tels développements s’opérèrent, et par conséquent l’origine et la cause des
plus importantes variations que les Mammifères éprouvent; ce qui conduirait
directement à résoudre cette grande question des espèces qui est encore insoluble,
et sur laquelle cependant toute la science du naturaliste repose.
L animal que je décris aujourd’hui ne pourra malheureusement point servir
quant à présent, à la solution de ce problème : j ’ignore absolument d’où il a été'
amené en Europe. Je l’ai obtenu d’un marchand d’animaux qui l’avait acheté à
Brest, sans même s’informer du bâtiment qui s’en était chargé; et je ne trouve
aucune indication dans les voyageurs ou dans les naturalistes, qui me permette
sur ce point, la plus faible conjecture. L’ignorance entière où l’on est des contrées
propres à cette espèce nous laisse aussi dans l’ignorance sur le nom qu’elle
porte : et comme un être dont on peut parler doit avoir un nom, nous donnerons
à notre nouveau Ghat celui de C h a t i , qu’il recevait de son gardien, et
auquel il répondait toujours, en attendant que celui qui lui appartient véritablement
soit connu. Nous avons préféré ce nom à tout autre, quelque barbare qu’il
son, parce qu’il est à peu près certain qu’il n’appartient à aucune autre espèce
de Mammifère; et le contraire aurait pu avoir lieu, .si nous avions eu recours
aux auteurs anciens, ou modernes, pour en trouver un exempt du reproche oue
mérite celui-ci.