familiers. Il aurait suivi par-tout son maître qu’il montrait de la joie à revoir,
lorsqu’il en avait été quelque temps éloigné; il se retirait et allait se coucher
dès que celui-ci lui en donnait l’ordre, et recherchait le monde parce que sa
familiarité lui attirait des caresses dont il était fort avide. Mais s’il était docile
à la voix de l’homme, il savait aussi se faire obéir de ceux dont il se reconnaissait
le maître. Plusieurs chiens vivaient avec lui; ils avaient tous le même
gîte et mangeaient à la même gamelle; cependant, excepté un seul, qu’il affectionnait
particulièrement, ces animaux ne prenaient de part aux repas, que
quand il était rassasié, et qu’il le permettait; mais alors il ne se retirait pas, et
souvent il corrigeait d’un coup de boutoir celui qui l’embarrassait, sans toutefois
jamais le mordre, quoiqu’il eût pu le faire bien cruellement. Il en était de même
lorsqu’il se couchait ; d’abord il prenait sa place à côté de son chien favori, et
dans l’endroit le plus chaud, et les autres venaient ensuite se grouper autour
d’eux. Quelquefois il se prêtait à leurs jeux, se laissait mordre, monter sur le
dos, arracher les soies sans se fâcher; mais dès que son maître approchait, et
même d’autres personnes, il quittait tout pour venir frotter son museau entre
leurs jambes. Il a ainsi vécu en liberté pendant trois ans, au bout desquels il
est mort de tubercules dans les poumons et les viscères de l’abdomen. On le
nourrissait de pain, de fruits, de soupe, et jusqu’au dernier moment il a montré
toutes les qualités affectueuses des animaux les plus domestiques.
Voici les principales dimensions de cet animal.
Longueur du corps, du bout du grouin à la partie postérieure du corps, a pieds 6 pouces » ligues.
— de la tête, du bout du grouin à l’occiput .............................. i »
Hauteur du sol à l’épaule........................................................... 1 7 -
— — à la croupe....................................................................................... f 8
Nos races de cochons à oreilles droites, et à taille moyenne, donnent assez
exactement l’idée de la physionomie générale du P é c a r i , quoique ces animaux
diffèrent suffisamment par quelques points de leur organisation, pour que mon
frère ait jugé devoir faire des P é c a r i s un sous-genre, sous le nom de Dicotjles.
En effet, ces animaux ont les dents molaires semblables, pour la structure,
à celles des cochons; mais leurs incisives ne sont qu’au nombre de quatre à
la mâchoire supérieure ; et les canines n’ont point la direction des défenses
du Sanglier, elles sont dans les mêmes rapports que celles des autres mammifères,
seulement elles sont triangulaires et fort tranchantes, ce qui en fait
des armes très-dangereuses. Il y a six incisives inférieures, et six molaires de
chaque côté de l’une et de l’autre mâchoire, une de moins que chez les Sangliers
, elles sont à racines distinctes et leur couronne se termine par des
tubercules arrondis disposés irrégulièrement, et qui sont en nombre d’autant
plus grand que le sommet de la couronne est plus étendu. J’entrerai dans les
détails de ce caractère lorsque je considérerai ces animaux sous le point de
vue générique. Les pieds de devant ont quatre doigts, deux en rudiment; les
pieds de derrière n’en ont que trois, un rudimentaire du côté interne. Les yeux
sont petits, à pupilles rondes, à deux paupières seulement, et sans organes
accessoires. L’oreille est fort simple, les circonvolutions de la conque peu étendues,
et à sa base seulement, et l’orifice du canal auditif est fort étroit. Les
narines s’ouvrent au bout d’un grouin glanduleux, comme celles des cochons,
et la langue est douce. Les poils, sur tout le corps, sont des soies très-rudes
attachées à une peau fort délicate qui semble former un assez bon organe du
toucher. Les poils de la tête sont beaucoup plus courts que les autres, et ceux
du tour des yeux et des pattes sont tout-à-fait ras; il y a quelques moustaches,
les organes de la génération, chez le mâle, sont comme chez le sanglier : la
ver^e se dirige en avant dans un fourreau collé au ventre, et les testicules sont
dans un scrotum étroit; chez la femelle la vulve est aussi peu développée que
chez la truie , et je n’ai pu découvrir que deux mamelles dans l’individu que
j’ai fait représenter. On voyait, à la partie postérieure du dos, une glande qui
sécrétait une matière gluante dont l’odeur approchait de celle de l’ail. Le P é c a r i
est privé de queue. Les sens de cet animal ne m’ont point paru d’une délicatesse
remarquable: l’odorat est évidemment celui dont l’animal fait le plus d’usage. Je
n’ai rien observé de particulier dans l’emploi que ces animaux font de leurs
membres; leur allure est assez pesante.Cependant, lorsqu’ils courent, ils ont un
galop qu’un homme en courant ne pourrait pas égaler. Dans l’effroi, ils jettent
un cri très-aigu, et dans le contentement ils ne font entendre qu’un grognement
très-léger; les individus, mâles et femelles que j’ai possédés, ne sont point
entrés en rut; la femelle parce quelle a toujours été languissante, le mâle parce
qu’en l’absence d’une femelle rien n’éveillait sans doute en lui le désir de la reproduction.
Dans la colère, les poils du dos se redressaient, et alors la glande dorsale
répandait abondamment sa liqueur fétide. Je n’ai pu reconnaître quel avait
été l’objet de la nature dans la production de cet organe singulier. La couleur
des P é c a r i s est d’un gris-foncé qui résulte de poils alternativement colorés sur
leur longueur de blanc et de noir; et comme le blanc domine dans une largeur
de quelques pouces du bas du cou au haut des épaules, il en résulte dans
cette partie une sorte de collier blanc qui a valu à ces animaux le nom particulier
P é c a r i a c o l i e r qu’ils ont reçu. Les pieds sont tout-à-fait noirs; et la /
peau de toutes les parties du corps est couleur de chair livide. Les petits
naissent avec une teinte rougeâtre uniforme, dit M. d ’A z a r a .
Jusqu’à ce célèbre voyageur, les naturalistes croyaient qu’il n’existait en Amérique
qu’une seule espèce de cochon à glande dorsale; il nous a appris le premier
qu’il en existe deux, à la vérité, peu différentes l’une de l’autre, ce qui rend
suffisamment raison de l’erreur dans laquelle on avait été jusqu’à lui. 11 donne
à notre P é c a r i le nom de Taytetou , et entre , sur la nature de cet animal ,
dans des détails assez curieux (Animaux du Paraguay, tom. i , pag. 31 de la
traduction française ). Dans tous les ouvrages où l’on traite de l’histoire naturelle
de l’Amérique méridionale, on parle des cochons à glandes sur le dos,
qui s’y trouvent; mais il est impossible, dans la plupart, de reconnaître ce qui
n’appartient qu’au P é c a r i . C’eSt bien de cet animal dont B u f f o n a fait l’histoire
et donne la figure (tom. X, pag. 21, fig. III), et c’est lui que D a ü b e n t o n a décrit
sous les noms de P é c a r i o u Tajacu, noms qui paraissent avoir été appliqués