LE TARTARIN.
J_j’h i s t o ir e naturelle doit aux relations du commerce une très-grande partie
de ses richesses. C’est par elles que parviennent le plus fréquemment en Europe,
les productions des pays lointains, qui font, pour cette science seule, un
objet de recherches. Aussi, dès que le commerce éprouve quelque changement,
et qu’il cesse de diriger ses spéculations vers les points de la terre où il les dirigeait
auparavant, les animaux, les plantes ou les minéraux que l’histoire naturelle
tirait de ses contrées, deviennent de plus en plus rares, et alors naît la juste
crainte de ne pouvoir que dans des temps éloignés et indéfinis, compléter les
observations qui avaient été commencées à l’époque où des relations différentes
étaient établies.
C’est ce qui doit avoir lieu pour le T a r t a r in , qu’on dit originaire d’Ethiopie
ou d’Arabie, et qui ne paraît plus aujourd’hui que très-rarement en Europe. On
l’y amenait beaucoup plus fréquemment autrefois, que des communications plus
intimes existaient entre l’Abyssinie et l’Europe. Presque'tous les anciens naturalistes
en donnent des figures, et depuis que P e n n a n t a publié celle que nous
lui devons, sous le nom de Babouin à museau de chien (Dog-Faced Baboon),i\
est bien vraisemblable que l’individu qui doit faire l’objet de cet article, est le
seul qui ait été vu des naturalistes. On le montrait en 1808 à Paris, chez un
marchand d’animaux qui l’avait acheté à Bordeaux, mais qui ne savait rien du
lieu d’où cet animal avait été amené en France. J’ai pu le voir pour le décrire,
et non pour l’étudier.
Ce T a r t a r in était mâle; il avait tous les caractères des cynocéphales, et ne
différait des autres espèces de ce genre que par son pelage : la figure que nous
publions montre assez, en effet, que c’est un quadrumane à museau de chien,
à taille élevée, à membres vigoureux, à regard féroce , et qui s’associe tout
naturellement au Drill et au Babouin, que nous avons fait connaître précédemment
, et à la description desquels nous renvoyons, pour tout ce qui tient aux
parties principales des organes, c’est-à-dire, à celles sur lesquelles les caractères
génériques reposent.
Cet individu avait un naturel très-méchant ; ses gardiens étaient obligés de
le craindre; la haine était le seul sentiment qu’il parût éprouver; même lorsque
la faim le pressait et^qu’on lui donnait sa nourriture, il s’én emparait brusquement
et menaçait aussitôt du regard , du geste et de la voix.
Tout son pelage était gris, avec une légère teinte verdâtre, et cette couleur
résultait des anneaux, alternativement noirs et gris-jaunâtres, dont chaque poil