LE MAÏBA.
L a connaissance que nous dèvons aux navigateurs modernes de tons les continents
et de la plupart des îles un peu considérables qui se trouvent à la surface
du globe, puisqu’ils ont traversé l’Océan dans tous les sens, et ont exploré
le voisinage des pôles; et les fréquentes communications qui se sont établies
par le commerce entre l’Europe et les contrées les plus lointaines et les plus
nouvellement reconnues , avaient fait supposer qu’il ne restait plus à découvrir
aucun mammifère d’une certaine grandeur, que tous ceux de l’intérieur des
terres étaient connus vers les cotes , du moins par quelques-unes de leurs
parties, et qu’excepté de petites espèces inaperçues et peu importantes, leur
nombre pouvait être apprécié. En effet, les naturalistes ne recherchaient plus
guère de mammifères nouveaux que parmi ceux qui trouvent, à peu de distance
de leur gîte caché, la petite quantité d’aliments nécessaire à leur faible existence,
et qui, par l’obscurité de leur vie, et la petitesse de leur taille, ont dû naturellement
échapper aux recherches toujours précipitées des voyageurs.
Cependant si d’un autre côté l’on considère le peu de temps que les navigateurs
peuvent donner à la reconnaissance des terres qu’ils découvrent; l’obligation
où ils sont d’en visiter principalement les côtes; leur ignorance de la langue
des peuples qui les habitent; la nature des communications que recherche le
commerce; combien tout ce qui est relatif à l’histoire'naturelle proprement dite,
doit être étranger à des hommes qui ont dû, avant tout, s’occuper de navigation,
de géographie physique etc.; quelle est l’étendue des continents et des îles *
dans l’intérieur desquels jamais aucun Européen n’a pénétré; enfin combien est
grande l’apathie des peuples barbares pour les choses qui ne se rattachent pas
immédiatement à leurs besoins, on devra penser au contraire qu’un très-grand
nombre d’animaux restent encore à découvrir, même parmi les grandes espèces,
et qu’en admettant l’idée opposée, bien loin de servir les sciences, on se
priverait de l’avantage de les enrichir, et sur-tout de rectifier des erreurs importantes.
B u f f o n , admettant que presque tous les mammifères étaient connus, avait
c^u pouvoir établir, comme une règle générale, que les animaux des contrées
méridionales du nouveau-monde étaient tous étrangers à l’ancien; ou du moins
que les espèces de celui-ci avaient éprouvé une si grande dégénération, par
l’influence perturbatrice d’un continent nouvellement sorti des eaux, qu’elles
étaient devenues méconnaissables. Le Tapir, toutefois, lui parut d’une nature
particulière, et le type d’un genre exclusivement propré à l’Amérique, ce qui
était une confirmation de sa règle générale.