fication de cette surcharge extraordinaire qu’ils ont à porter; j ’ai donc comparé
le bassin de ma Boschismanne avec ceux des Négresses et de différentes femmes
blanches; je l’ai trouvé plus semblable aux premières, c’est-à-dire proportionnellement
plus petit, moins évasé, la crête antérieure de l’os des îles plus grosse
et plus recourbée en dehors; la tubérosité de l’ischion plus grosse. Tous ces
caractères rapprochent, mais d’une quantité presque insensible, les Négresses et
les Boschismannes des femelles des Singes.
Les fémurs de cette Boschismanne avaient une singularité notable ; leur corps
était plus large et plus aplati d’avant en arrière, et leur crête postérieure moins
saillante que dans aucun de mes squelettes; leur col était plus court, plus gros
et moins oblique. Ce sont tous là des caractères d’animalité.
Les humérus, au contraire, étaient singulièrement grêles et délicats, et ils m’ont
offert une particularité assez rare dans l’espèce humaine : c’est que la lame
qui sépare la fossette cubitale antérieure et la postérieure n’était pas ossifiée,
et qu’il existe un trou à cet endroit comme dans l’humérus de plusieurs Singes,
nommément du Pongo de Wurmb, de tout le genre des Chiens et de plusieurs
autres carnassiers. La tête inférieure est plus large par plus de saillie du condyle
interne ; la crête au-dessus du condyle externe est plus saillante et plus aiguë ;
enfin, les poulies articulaires sont moins distinctes que dans les autres squelettes
humains.
Ce qui m’a le plus étonné, c’est que j ’ai retrouvé les plus marqués de ces
caractères, non pas dans la Négresse, mais dans un squelette de femme gouanche,
c’est-à-dire de ce peuple qui habitait les Canaries avant que les Espagnols s’en
fussent emparés, et qui, sous tous les autres rapports, appartient à la race
caucasique.
J’ai trouvé aussi que la Gouanche et la Boschismanne avaient l’une et l’autre
l’angle inférieur et postérieur de l’omoplate plus aigu, et le bord spinal de cet
os plus prolongé que la Négresse et l’Européenne.
Toutefois je suis bien loin de prétendre faire de ces particularités des caractères
de race ; il faudrait auparavant avoir examiné un assez grand nombre de
squelettes pour s’assurer qu’il, n’y a en cela rien d’individuel.
La tête donne des moyens plus sûrs de distinction, parce qu’on l’a mieux
étudiée. C’est d’après elle que l’on a toujours classé les nations; et, à cet égard,
notre Boschismanne offre aussi des différences très-remarquables et très-singulières.
Sa tête, osseuse comme la figure extérieure, présente une combinaison frappante
des traits du Nègre et de ceux du Calmouque.
Le Nègre, comme on sait, a le museau saillant, et la face et le crâne comprimés
par les côtés ; le Calmouque a le museau plat et la face élargie. Dans l’un et
dans l’autre les os du nez sont plus petits et plus plats que dans l’Européen.
Notre Boschismanne a le museau plus saillant encore que le Nègre, la face plus
élargie que le Calmouque, et les os du nez plus petits que l’un et que l’autre.
A ce dernier égard surtout, je n’ai jamais vu de tête humaine plus semblable
aux Singes que la sienne.
De cette disposition générale résultent beaucoup de traits particuliers de conformation.
Ainsi les orbites sont beaucoup plus larges, à proportion de leur
hauteur, que dans le Nègre et l’Européen, et même que dans le Calmouque;
l’ouverture antérieure des fosses nasales a une autre configuration; le palais a
FEMME DE RACE BOSCHISMANNE. 7
plus de surface proportionnelle, les incisives plus d’obliquité, la fosse temporale
plus de largeur, etc.
Je trouve aussi que le trou occipital est proportionnellement plus ample que
dans les autres têtes humaines. D’après la règle connue de M. Soemmening, ce
serait encore là un signe d’infériorité.
Je n’observe aucune différence notable par rapport à la suture incisive.
Excepté le rapetissement du cerveau à la partie antérieure, qui résulte de la
dépression du crâne à cet endroit, je n’ai fait sur les parties molles aucune
remarque qui mérite d’être rapportée.
Pour tirer de celles que je viens d’exposer quelques conclusions valables, relativement
aux variétés de l’espèce humaine, il faudrait déterminer jusqu’à quel
point les caractères que j’ai reconnus sont généraux dans le peuple des Boschismans;
si ce peuple reste partout distinct des Nègres, des Cafres et des Hottentots
qui l’entourent, ou s’il se mêle par degrés avec eux par des nuances intermédiaires;
enfin il faudrait connaître à quelle distance il s’étend dans l’intérieur de
l’Afrique, et c’est ce que nous sommes bien éloignés de savoir.
Dans toute la partie de l’Afrique qui est sous la zone torride, les voyageurs
modernes ne connaissent que des Nègres et des Maures. Les Abyssins ne paraissent
qu’une colonie d’Arabes. A la vérité, parmi ces Ethiopiens sauvages dont parlent
Hérodote, et surtout Agatharchides, et d’après lui Diodore de Sicile, il en est
quelques-uns que leur petitesse pourrait faire rapporter aux Boschismans ; mais
ces auteurs ne se sont pas expliqués avec assez de précision sur les autres caractères
de ces peuplades, pour qu’on puisse adopter une telle opinion avec quelque
certitude. Il en est de même du peu de mots que dit Bruce sur les caractères
des Gallas, ces peuples féroces qui ont envahi une grande partie de l’Abyssinie.
Il les peint comme d’une très-petite taille, d’une couleur brune, d’une figure
affreuse ; mais il leur donne des cheveux longs. Tout le reste de sa description
ressemblerait assez à celle de nos Boschismans, et les moeurs atroces de ces Gallas
ne se rapporteraient encore que trop aux leurs. Mais, nous le répétons, ces renseignements
sont trop vagues et trop superficiels pour donner aucun résultat
solide; nous devons donc attendre les lumières que nous procureront sans doute
les tentatives actuelles des Anglais et des Portugais.
Ce qui est bien constaté dés à présent, et ce qu’il est nécessaire de redire,
puisque l’erreur contraire se propage dans les ouvrages les plus nouveaux, c’est
que ni ces Gallas ou ces Boschismans, ni aucune race de Nègres n’a donné naissance
au peuple célèbre qui a établi la civilisation dans l’ancienne Egypte, et
duquel on peut dire que le monde entier a hérité des principes, des lois, des
sciences, et peut-être même de la religion.
Bruce encore imagine que les anciens Egyptiens étaient des Cushites ou Nègres
à poils laineux; il veut les faire tenir aux Shangallas d’Abyssinie.
Aujourd’hui que l’on distingue les races par le squelette de la tête, et que
l’on possède tant de corps d’anciens Egyptiens momifiés, il est aisé de’ s’assurer
que, quel qu’ait pu être leur teint, ils appartenaient à la même race d’hommes
que nous; qu’ils avaient le crâne et le cerveau aussi volumineux; qu’en un mot
ils ne faisaient pas exception à cette loi cruelle qui semble avoir condamné à
une éternelle infériorité les races à crâne déprimé et comprimé.