L’ALGAZELLE.
J L ’A f r i q u e , cette contrée à-la-fois si fortunée et si malheureuse, qui, dans
l’antiquité, a vu ses régions septentrionales habitées par des hommes industrieux,
et soumises à des gouvernements puissants ou à des nations éclairées; sur
laquelle la cupidité et le courage ont dirigé tant d’efforts depuis l’époque où
les peuples modernes de l’Europe passèrent de la barbarie à la civilisation, et
qui est devenue aujourd’hui si importante pour les calculs de la politique, ou
les spéculations du commerce, est cependant beaucoup plus inconnue qu’aucune
autre partie de la terre; et elle serait encore pour nous, comme elle le
fut pour les anciens, la source des exagérations les plus monstrueuses, et des
fables les plus ridicules, si l’étude des sciences, en nous donnant des idées plus
exactes et plus générales des animaux, ne nous eut appris que la toute-puissance
de la nature se montre sur-tout par la force avec laquelle elle retient
invariablement l’existence de chacun de ces êtres dans le cercle très-circonscrit
que sa sagesse lui a vivant tracé.
C’est de ce vaste continent que l’histoire naturelle possède les plus nombreuses
indications de l’existence d’espèces curieuses et variées; il est peu de voyages dans
cette contrée où l’on ne trouve des observations qui annoncent des animaux
inconnus , et peu de cabinets qui ne contiennent quelques parties d’espèces
évidemment nouvelles. L’animal que nous allons faire connaître en est lui-
même un exemple.
On possédait depuis long-temps, dans les collections d’histoire naturelle, de
longues cornes un peu arquées , couvertes de dépressions en forme d’anneaux
à leur moitié inférieure, et lisse à leur autre moitié. (Gesner. Quadrup. p. a95.)
On jugeait bien qu’elles provenaient de quelque espèce d’antilope; mais jusqua-
présent cette espèce n’avait point été vue, et n’avait pu être déterminée. B u f f o n ,
admettant conjecturalement son existence, lui donna le nom d’ALGAzELLE,
(Buff. tom. XII. fig. 1 et 2.) ce qui fut suivi par P e n n a n t . P a l l a s et G m e l i n ,
d’après les mêmes conjectures, en firent leur Antilope Gazella.
D’un autre côté P e n n a n t (History o f Quadrupeds pl. 6 8 . ) rapporta un animal
dont il vit le dessin fait en Perse, et qui avait aussi de longues cornes, un peu
arquées en arrière, au Leucorix de P a l l a s , (Spicil. Zool.fcisc. X I I . p . 17.) établi
par ce célèbre naturaliste, d’après une corne du cabinet de Pétersbourg, et un
rapport fait de M a s c a t e , par le père V i n c e n t - M a r i e . Mais l’existence de ce
Leucorix, comme celle de I’A l g a z e l l e , parut douteuse, et M. G. C u v i e r , dans
son tableau du règne animal, regarde encore ces animaux comme appartenant à
l’espèce du Pasang de B u f f o n , l’Oryx de P a l l a s .