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elle manque de force, et eux d’intelligence pour s’en servir contre leurs ennemis :
ils cherchent à mordre le bâton qui les atteint; mais non pas le bras qui le
conduit, bien différents en cela de la plupart des autres mammifères qui, par
un acte fort remarquable de leur intelligence, distinguent la personne qui les
frappe de l’instrument qu’elle tient à la main, et s’attaquent à elle directement.
Il paraît que leurs principales ressources, pour se défendre, consistent dans la
mauvaise odeur qu’ils répandent lorsqu’ils sont en danger. M. d’Azara qui en
parle, d’après sa propre expérience, dit qu’elle est telle qu’il faut un grand
effort de raison pour la supporter.
Tous leurs désirs paraissent être faibles, même ceux de la reproduction. On
trouve, sur lejur accouplement, des observations très-remarquables de M. d’Abo-
ville, dans le ydÿagfe du marquis de Chastelhtx, aux Etats-Unis, ainsi que sur leur
reproduction, qui, cependant, est encore tin des problèmes les plus intéressants
qu’aient à résoudre les naturalistes, malgré les recherches nouvelles de M. Barton.
L’Opossum que j’ai fait représenter était un jeune mâle qui se laissait emporter
par le premier venu, sans faire aucune résistance, et qui cherchait
continuellement à fuir la lumière. Lorsqu’on lui résistait, il ouvrait sa grande
gueule et la tenait béante sans rien faire de plus. Cet organe qui, chez la plupart
des carnassiers, est une arme si puissante, ne semblait être chez lui qu’un
simple instrument de mastication.
Tout son corps était d’un gris-blanc-jaunatre, résultant de poils blancs-sales
dans la plus grande étendue de leur longueur, et noirs ou bruns à leur extrémité;
seulement quelques poils entièrement noirs sortaient par-ci par-là des poils
blancs et teignaient en noirâtre, principalement la ligne dorsale et une bande
étroite descendant du cou sur les jambes de devant. Celles-ci, ainsi que les
jambes de derrière, étaient presque entièrement couvertes de poils noirs, et la
queue, garnie d’écailles d’épiderme , n’avait que quelques poils courts et
rares qui naissaient entre chacune de ces écailles. Elle était noire à sa base,
le reste était blanc. Les mains, les oreilles, et le bout du museau étaient nus.
En général la fourrure de cet animal n’était point épaisse, cependant il avait des
poils laineux, rares à la vérité, mais très-bien caractérisés; et comme lès Opossums
se rencontrent à des latitudes très-différentes, c’est-à-dire depuis l’équa-
teur jusque fort avant dans les deux hémisphères, il pourrait nous montrer,
d’une manière directe, l’influence de la température sur le développement de
ces poils, que nous ne connaissons encore que par induction. La peau de la
plante des pieds et de la paume des mains était d’un noir violâtre, et les
doigts, ainsi que les ongles, étaient couleur de chair. La conque externe de
l’oreille était aussi noire, excepté à sa base et à son extrémité où se voyait
une petite tache couleur de chair; et il paraîtrait que ce caractère est assez
-constant chez les Opossums, puisqu’il leur a valu le nom d’oreilles-bicolores.
L’extrémité du nez et les lèvres sont aussi couleur de chair, et l’oeil est
tout noir.
On pourrait induire, de ce qui précède, que les organes des sens et du
mouvement n’ont rien de ce qui serait nécessaire à l’activité et à la force;
et en effet, l’Opossum a des organes en parfaite harmonie avec son caractère.
Ses yeux petits et presque sans paupières, quoique l’interne soit assez déve-
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loppée, sont tellement saillants, qu’ils semblent l’extrémité d’une ellipse, et
leur pupille est longue Verticalement, comme celle des chats. Ses narines,
à l’extrémité d’itu long musêaü qui dépasse le? mâchoires, sont ouvertes
sür les côtés d’Hn mufle nu et un peu glandeux. Aussi l’odorat, est le sens
le plus délicat de cet animal et celui d’où il tire le plus de ressource. Sa
langue' est couverte de papilles très-rudes; ses oreilles ont la faculté de se
fermer; elles sè reploient d’avant en arrière, au moyen de trois plis longitudinaux,
et s’abaisSent à l’aide de plis transverses, beaucoup plus nombreux, qui
coupent les premiers à angles droits. Un appareil museuleux particulier détermine
Sans doute le mouvement des uns et des autres. Nous le nourrissions de
viande crue et de pain trempé dans du lait; il buvait en lappant; mais je l’ai
vu recevoir, dans sa bouche, de l’eau qui tombait goutte à goutte de dessus sa
Cage, et toutes lés fois qu’on lui en procurait l’occasion, il répétait le même exercice
et paraissait y trouver du plaisir. Le siège du toucher semblerait être principalement
dans les doigts qui sont revêtus d’une peau très-délicate et garnis en-
dessous de tubercules très-délicats eux-mêmes, dont les formes et les relations sont
trop compliquées pour être décrites. Nous les ferons représenter en donnant
les caractères du genre. Ces doigts sont au nombre de cinq à chaque pied,
armés dongles assez faibles, excepté le pouce des pieds de derrière qui en est
tout-à-fait dépourvu. Ils s’écartent singulièrement les uns des autres dans la
marche; mais le pouce de derrière seul est opposable aux autres doigts, et
forme, des pieds de ces animaux, une véritable main, ce qui leur a valu le
nom de Pédimanes. On voit quelques moustaches faibles sur la lèvre supérieure,
au-dessus de Ioeil et sur les joues. La queue peut, elle-même, être
considérée comme une dépendance des organes du mouvement; elle est prenante
et très-forte; mais elle ne se reploie qu’en-dessous. L’Opossum ne m’a
jamais fait entendre d’autre voix qu’un soufflement semblable à celui des chats
qui menacent. Les testicules de ces animaux sont dans un scrotum très-volumineux.,
attaché par un mince pédicule à l’abdomen, et la verge est, je crois, dirigée
en arrière. Le vagin, simple ouverture, n’est séparé de l’anus que par l’épaisseur
d’une membrane, et il paraîtrait que le nombre des mamelles varie; j’en
ai trouvé douze à une femelle, et dix seulement à une autre. On sait que les
femelles d’Opossum ont sous le ventre une poche dans laquelle les petits
qui, croit-on, naissent prématurément, achèvent de se développer. Cet organe
particulier, qui a la faculté de s’ouvrir et de se fermer, contient les mamelles;
son ouverture est une fente longitudinale qui conduit, postérieurement à un
sac dune très-petite dimension, chez les jeunes individus, mais qui s’étend
avec l’âge et le nombre de petits qu’elle a contenu; et l’on voit de chaque
coté de cette poche, a-peu-près vers sa partie moyenne, une cavité peu profonde
dont l’usage n’est point apparent. Cet animal a n pouces de l’origine
de la queue à l’occiput; la queue a aussi n pouces; la tête en a six; et sa
hauteur, au train de devant, est de y à 8 pouces.
On a été long-temps avant de distinguer l’Opossum des autres espèces du
genre Didelphes. Buffon en avait parlé dans ses suppléments, sous les noms de
sarigue des Illinois et de sarigue à longs poils, croyant parler de deux espèces
distinctes. Et Linnæus ayant tiré tous ses didelphes de Seba, n’avait pu, sur