aujourd’hui, nous fait très-bien voir comment nous devons juger les descriptions
d’animaux que les auteurs grecs ou latins nous ont conservées : elles ne
sont point, comme on l’a cru trop légèrement, des créations fantastiques de
l’esprit3 elles sont le produit très-pur du sens commun, mais privé d’une
expérience raisonnée, d’une véritable science.
Le Gnou lui-même en est peut-être une preuve, s i, comme M. G. Cuvier le
pense, on ne doit voir que cet animal dans le Catoblépas d’Ælien ( liv. v n ,
ch. 5 ).
« L’Afrique, patrie d’une innombrable variété d’animaux, dit cet écrivain, est
» aussi regardée comme celle du Catoblépas. Cet animal a l’extérieur d’un Tau-
» reauj mais son regard est plus fier et plus terrible. Ses y eu x , rouges de sang,
» et assez semblables à ceux d’un Boeuf, sont surmontés de sourcils élevés et
» épais 3 son regard oblique est dirigé vers la terre, ce qui lui a fait donner
» le nom qu’il porte. Sa crinière naît sur le sommet de sa tê te , se prolonge
» sur son front, et couvre sa figure, ce qui ajoute encore à son air redou-
» table, etc. etc. »
Le Gnou a en effet une physionomie très - particulière : avec des proportions
de membres assez légères et approchantes de celles des Cerfs, il a une tête
épaisse et un large museau qui le rapproche des Boeufs. Toutes ses allures sont
légères, ses mouvements vifs 3 e t , sous ce rapport, il ressemble assez à une Gazelle.
Quant à son naturel, il est semblable à celui de tous les autres animaux
ruminants 3 c’est un animal dur et grossier 3 les bons traitements le touchent peuj
c’est par la force seule qu’on parvient à le soumettre, autrement il est impossible
d’agir sur son intelligence.
Cette espèce appartient, par les organes du mouvement et par ceux de la
mastication, à la grande famille des ruminants à cornes creuses/ c’est pourquoi,
devant traiter de ces organes, en traitant de cette famille, je me bornerai ici à
cette simple indication. Pour tout le reste, à peu près, le Gnou a des caractères
qui lui appartiennent exclusivement, jusqu’à présent du moins 3 ses cornes naissent
comme celles des Buffles, descendent sur le front jusqu’au-devant des
y eu x , e t , arrivées là , se relèvent plus ou moins verticalement. D’une grosseur
médiocre chez les femelles, elles sont des armes terribles chez les mâles3 leurs
oreilles sont en cornet et de médiocre grandeur3 leurs y eu x , semblables à ceux
des autres ruminants, ont une pupille allongée transversalement, des paupières,
mais point de larmiers. Les ouvertures des narines se trouvent de chaque côté
du museau , et sont recouvertes par une espèce d’aile cartilagineuse de forme
triangulaire, qui s’ouvre et se ferme à la volonté de l’animal, et qui paraît avoir
la faculté de faire, dans quelques ca s, l’office de soupape 3 il n’y a point de
mufle3 la bouche est grande, les lèvres sont mobiles, et la langue est douce. Le
vagin était semblable à celui de la Vache.
La voix de cet animal, qu’il ne faisait entendre que lorsqu’il était effrayé,
ressemblait assez à celle du Boeuf, mais affaiblie. Les poils, dont la plus grande
partie de son corps est revêtue, sont courts 3 les plus longs, assez serrés, sont
soyeûx et colorent l’animal3 les plus courts, gris, cachés sous les premiers, sont
laineux, mais rares. De longues soies blanches entourent le museau et les yeux.
Une barbe épaisse et noire garnit toute la mâchoire inférieure, et des poils également
noirs, longs et roides, dirigés de bas en haut, mais divergents de droite
à gauche, couvrent le chanfrein 3 d’autres poils, de même couleur et de même
nature, ^ se trouvent au - dessous de l’angle interne de l’oeil. Une crinière droite
naît à 1 occiput, et se termine aux épaules : elle se compose de poils blancs au
bord externe,-et noirs au centre; ce qui fait paraître cette crinière blanche
bordée de noir en dessus. Un fanon de poils moins rudes et d’un noir-brun se
trouve entre les jambes de dévant : la queue, semblable à celle de l’Ane, a peu
de crins à sa base, et n’en est que médiocrement garnie dans le reste de sa
longueur; mais ces crins divergent à droite et à gauche, de sorte que la queue
semble aplatie d’avant en arriére : ces poils sont généralement blanchâtres.
Tout le reste du corps est brun-grisâtre; les cornes et les sabots sont d’un
noir-bleuâtre. On voit, de chaque côté de la croupe, deux éminences, ou pe-
tites loupes entièrement formées de graisse.
Cet animal avait environ trois pieds et demi de hauteur au garrot, et cette
mesure peut donner celle de toutes les autres parties.
Sa mue avait lieu tous les printemps et tous les automnes, comme celle de
nos animaux indigènes. Il avait quelquefois une allure fort remarquable 5 il galopait
l’amble : c’est-à-dire qu’il s’élancait avec force alternativement sur les deux
pieds de chaque coté ; et il courait de cette manière avec une légèreté et une
rapidité extrême. Il était arrivé à notre ménagerie par le retour de l’expédition
aux terres australes du capitaine Baudin. Son espèce se trouve fort avant dans
les terres au nord du Cap 3 on en rencontre des réunions de plusieurs centaines
d’individus.
C est Allamand ( Histoire naturelle de Buflfon, édit. d’Amsterdam, tom. XV )
qui a le premier donné une figure du Gnou, et elle est assez bonne. Buflfon
(Supp. tom. V I, pl. 8) en publia une autre figure, qui lui avait été envoyée du
Cap, et qui, moins bonne que celle d’Allamand, donne cependant une idée
assez juste de ce ruminant. Celle de Vosmaër, pl. 18, présente un animal lourd
et épais comme un Boeuf. Sparmann BLas de l’Acad. de Stockholm, 1779) a été
plus fidèle 3 mais Samuel Daniel (Animaux du Cap) est celui de tous qui est le
plus vrai. Cet anfinal est VAntilope Gnu des catalogues méthodiques.
Mai 1820.