LE REVEL MALE.
L e s méthodes de classification sont indispensables à l’histoire naturelle. Sans
elles la mémoire la plus heureuse serait encore insuffisante pour le nombre infini
des etres qui font l’objet de cette science. Mais autant elles sont utiles aux naturalistes
qui en comprennent bien l’usage, autant elles sont nuisibles à ceux qui
n en ont pas acquis une juste id é e , qui n’en ont pas exactement saisi le but
L in n eu s , en créant sa méthode, rendit un des plus grands services à la science
qu il cultivait, et par-là il contribua puissamment à sa perfection; mais plusieurs
de ses disciples s’égarèrent en croyant marcher sur ses traces; ils pensèrent
qu’ils seconderaient leur maître en se bornant à enregistrer des êtres
nouveaux dans le riche catalogue qu’il avait formé, c’est-à-dire en ne les faisant
connaître que par les seuls caractères que la méthode exigeait pour les
recevoir, caractères bien insuffisants pour donner de ces êtres des notions justes
et complètes, ce qu’ils ne comprirent pas.
C’est à cette erreur qu’il faut, en grande partie attribuer l’insuffisance de
nos méthodes à l’égard de quelques espèces, .tandis qu’elles sont arrivées à un
degré de perfection si grand à l’égard dp tant d’autres. A in s i, toutes les tentatives
qui ont été faites pour classer naturellement les ruminants à cornes
creuses, nommés communément gazelles ou antilopes, ont été sans succès et
l’on est contraint de faire une nouvelle étude de ces animaux ; car sans’ de
nouveaux détails sur leur organisation, on tenterait peut-être en vain d’en former
des groupes naturels , et de les faire entrer dans une méthode fondée sur des
principes philosophiques.
Cest par cette raison que nous nous attacherons dans cet ouvrage à retracer
avec toutes les circonstances que nous pourrons recueillir, l’histoire naturelle
des gazelles, et que nous donnerons aujourd’hui en détail la description de l’animal
qui fait l’objet de cet article, et qui nous a paru être le K e v e l de B u f f o n . On
sait que ce célèbre naturaliste n’assigne guère d’autre différence entre la gazelle
commune, la corme et le kevel, que celle des cornes, et les cornes sont sujettes
a tant d’accidents, et présentent des variations si grandes, suivant leur degré de
développement, sur-tout lorsqu’elles doivent avoir plusieurs courbures, qu’on ne
peut éviter de tomber dans quelque erreur en les employant comme caractères
spécifiques, sans tenir compte de leur âge. Aussi, en donnant à notre animal
le nom de K e v e l , ne prétendons-nous pas plus le-distinguer de la gazelle et de
la conne que faire de tous trois une seule espèce. Nous n’avons eu d’autre but
que de lui donner un nom convenable, dans l’état actuel de nos connaissances
sur les gazelles. Tout ce qu’il nous est permis de conjecturer aujourd’h u i, d’après