LE SURMULOT.
L in t r o d u c t io n d’une espèce de Mammifères dans un climat nouveau pour elle
est ordinairement accompagnée de difficultés nombreuses. L’homme seul, aidé
de sa raison, peut opposer son industrie aux inclémences du ciel, et se créer
partout une nature favorable* car les habitudes ou l’instinct ne sont jamais assez
flexibles pour que les animaux puissent se ployer à des besoins nouveaux, à
des situations très-différentes de celles où ils se trouvaient : s’ils ne sont pas
alors sous la protection spéciale de l’homme, si notre prévoyance ne vient pas à.
leur secours, ils périssent ordinairement après une lutte plus ou moins prolongée.
Cependant, il en est qui trouvent dans nos usages de quoi suppléer à ce que
les rigueurs du climat leur refusaient, et qui, par l’influence de leur naturel,
se placent dans la situation où nous aurions pu les placer nous-mêmes, si nous
avions pris intérêt à leur conservation.
Tel est le Surmulot, qui nous vient des contrées méridionales de l’Asie (de la
Perse et de llnde), et qui, pour s’établir chez nous, a sûrement beaucoup mieux
été servi par son instinct qu’il n’aurait pu l’être par notre intelligence. En effet,
tous les jours nous faisons de vains efforts pour acclimater des espèces qui
pourraient nous être utiles, et qui, pour cela, semblent bien moins demander
que ce rongeur, dont les besoins paraissent être nombreux* tandis que lui s’est
introduit chez nous, s’est multiplié, et a pris en quelque sorte possession de
nos demeures, malgré tout ce que nous avons pu faire pour l’expulser ou le
détruire. Sa multiplication est telle aujourd’hui, que nous ne pouvons plus que
nous opposer à ses empiètements et restreindre ses ravages* il s’est même établi
à tel point dans nos habitations, que nous sommes forcés d’être ses protecteurs
plus encore que ses ennemis.
C est que les Surmulots ont trouvé dans les terriers qu’ils se sont creusés à
labri de nos toits, la température que leur conservation demandait* ils ont rencontré
dans nos cultures, dans nos granges, en un mot au milieu des provisions
de toute espèce que la prudence nous fait rassembler, une nourriture
abondante qui a soutenu leur vie et a favorisé leur reproduction* car ils auraient
péri par l’effet de nos hivers, n’ayant pas la faculté de s’engourdir par le froid
ni l’instinct de se faire des greniers pour les saisons mortes* ils ont profité pour
eux de la crainte que nous inspirons à leurs ennemis* et leur défiance naturelle
a suffi pour les préserver du petit nombre de moyens que nous pouvons employer
pour leur nuire sans nous nuire à nous-mêmes.