ours, est tellement caractérisée, qu’on la reconnaît d’abord, et qu’on classe les
animaux qui la présentent sans aucune hésitation ; et c’est sûrement ce que nous
verrions pour tous les autres mammifères , si on avait pu s’en former des idées
générales aussi complètes que de ceux que nous venons de citer. Sans doute cette
physionomie, ces traits généraux ne s’expriment point par le langage, et ne peuvent
se représenter que par des figures ; mais ils se composent de traits particuliers qui
pourraient être individuellement désignés, et dès lors servir de caractères distinc-
tifs comme les organes internes eux-mêmes.
L’habitude où l’on est aujourd’hui de ne point séparer l’histoire naturelle de
l’anatomie pourrait faire penser que la distinction de ces sciences, ou des deux
points de vue sous lesquels nous faisons envisager la nature, est tout-à-fait arbitraire,
que l’étude des organes externes est inséparablement liée à celle des organes
internes, et qu’ils concourent dans la même proportion à l’effet harmonique des parties.
Mais en y réfléchissant un moment, on voit bientôt qu’il n’en est point ainsi,
que tout ce qui fait le vêtement extérieur des animaux n’çst nullement essentiel à
la structure des organes quant à leur mécanisme ; et la preuve c’est qu’on peut
enlever toute la peau à un animal-, sans qu’aucune des parties qui interviennent
dans les fonctions de ses divers membres soient altérées : dans cette mutilation les
sens conservent leur intégrité ; et Î’anatomiste lui-même ne procède à ses recherches
qu’après avoir dépouillé le corps qu’il veut disséquer. Il en est de même des mou-
vemens ; ils ne sont point inséparables de leur mécanisme ; on peut les suivre, les
exprimer dans tous leurs détails, sans qu’il soit nécessaire de rechercher les ressorts
qui les produisent. Il y a plus, ces mouvemens doivent être connus pour apprécier
l’action des muscles ; car la part que ceux-ci prennent aux fonctions des organes
serait le plus souvent une question insoluble pour l’anatomiste, s il n était éclairé
par l’examen de ces fonctions.
L’étude des caractères zoologiques, comme celle des caractères anatomiques,
pourrait donc conduire à une classification des Mammifères, ou autrement a la
connaissance des rapports physiques qui existent entre ces animaux, partie essentielle
du premier problème à résoudre, comme nous l’avons vu, dans l’histoire "naturelle
de ces êtres- Elle donnerait en outre les premiers élémens de leugg rapports
avec le reste de la nature, Tapports qui ne peuvent s’établir immédiatement par les
organes ou les fonctions internes ; de sorte qu avec la solution de notre premier
problème, nous trouverions déjà quelques moyens pour résoudre les nombreuses
difficultés du second.
Ce qui est à considérer pour la solution de ce second problème est renfermé
dans le cours de la vie de chaque espèce, et consiste dans l’immense variété de
phénomènes qui se présentent à chaque époque du développement, depuis la
naissance jusqu’à la mort, après laquelle de nouveaux phénomènes se présentent,
et de nouvelles relations s’établissent entre le corps privé de vie et la sphère des
forces diverses qui l’environnent.
Malheureusement cette branche de la science est encore dans un état d’enfance. Les
animaux domestiques seuls nous ont appris quelques particularités de leur reproduction.
Nous savons à peu près, pour les espèces sauvages, quelle est la nourriture propre
à celles que nous connaissons; le climat que ces espèces habitent ; les ennemis qu’elles
peuvent avoir à craindre, et quelques-uns des moyens qu’elles emploient pour se soustraire
aux dangers et satisfaire à leurs besoins ; l’influence que quelques-unes de leurs
parties éprouvent de la température ; celle que la mesure des alimens peut exercer,
etc., etc.; mais nous n’avons de la plupart de ces choses que des notions
générales qui ne reposent que sur un petit nombre de faits, sans détails suffisans ;
et c’est bien peu sans doute en comparaison de ce qu’une étude plus suivie nous
apprendrait. Que de questions de ce genre qui se présentent à nous sans que nous
puissions y répondre ! Pourquoi le lièvre et le lapin, le cochon d’Inde et la souris
ne peuvent-ils pas vivre dans les mêmes lieux? Pourquoi les chacals jettent-ils des
cris si aigus et si plaintifs pendant la nuit, et dans le moment.où ces cris semblent
devoir effrayer la proie qu’ils cherchent ? Pourquoi est-ce toujours après ses repas
que le lion rugit? Pourquoi, lorsque la voix retentissante de ce formidable animal
se fait entendre, tous les autres animaux carnassiers, que la terreur devrait glacer,
hurlent-ils à l’unissOn? Pourquoi Îe hérisson et le porc-épic sont-ils hérissés
d’épines, le pangolin et le tatou cuirassés d’écailles, de préférence à tant d’autres
espèces qui semblent d’ailleurs occuper dans la nature la même place qu’eux?
Pourquoi les ruminans rîaissent-ils tout formés, les didelphes à l’état de foetus, et
plusieurs rongeurs dans un état voisin? Pourquoi quelques espèces éprouvent-elles
les besoins de l’amour en hiver, et quelques autres au printemps ou en automne?
Quelle est la raison de la différence de fécondité? Pourquoi le froid plonge-t-il les
loirs et les marmottes dans un sommeil léthargique? Quels sont, en un mot, les
rapports, les influences de ces circonstances diverses, dans la sphère où se trouvent
les animaux qui les présentent? C’est ce que nous ignorons complètement, et ce
que l’histoire naturelle nous apprendrait peut-être, si nous la cultivions comme elle
devrait l’être.
L étude plus particulière de cette science, en agrandissant nos idées sur les
vues de la Providence, nous conduirait aussi à de nouveaux moyens de bien-être,
par 1 application que nous pourrions faire à nos besoins dgs phénomènes dont nous
reconnaîtrions l’existence. Tous les serviees-que rictus tirons des Mammifères sauvages
ou domestiques, excepté peut-être la nourriture, sont dus à l’ordre de faits que
l’histoire naturelle considère. Les fourrures qui nous garantissent du froid, les poils
de toute espèce employés à tant d’usages, les laines qui servent à nos vêtemens,
le lait et toutes les excrétions dont on use comme aliment ou comme remède, la
corne, 1 ivoire, matières de tant d’industries diverses, mais par-dessus tout la
domesticité, tiennent aux organes extérieurs et aux facultés, ou sont le produit
des influences auxquelles les animaux ont été soumis. Avant d’être vêtu de laine,
le mouton n avait qu un court duvet caché sous des poils grossiers. Et pourquoi