LE BUFFLE.
« UJn voit, pour la première fois en Italie (596), des chevaux sauvages et des
« Buffles. » (Paul Diacre, Histoire des Lombards, liv. IV, chap. XI.)
C’est là tout ce qu’on sait de plus positif sur l’arrivée de cette espèce de bétail
en Europe, et l’on doit peu s’en étonner: l’Italie, tombée dans le dernier degré
d’abjection, était alors la proie des peuples du Nord; et depuis long-temps
la culture des lettres avait cessé dans cette belle et malheureuse contrée. Quelques
écrits relatifs aux intérêts de l’église sont tout ce qui reste de littérature de ces
temps d’ignorance, que les vices de la mollesse rendent encore plus méprisables
que ceux de la barbarie.
Comment cependant expliquer l’introduction du Buffle en Italie? Les Lombards,
qui la ravageaient en 596, n’avaient pu l’amener du Nord, d’où ils
étaient descendus ; et il est peu vraisemblable qu’on l’eût envoyé de Constan-
tinople : l’empire grec, à cette époque, conservait à peine quelque reste de
puissance au-delà de Rome; et ce n’est pas à des peuples sans propriétés assurées,
ou sans autre industrie que celle de l’épée, qu’on peut vouloir donner une
nouvelle espèce d’animal domestique, beaucoup plus propre aux travaux des
champs qu’à la nourriture des hommes ; car il faut observer que, pour s’être
conservés, les Buffles durent être conduits par des pâtres capables de les soigner,
et en assez grand nombre pour que tous ne succombassent pas à l’influence
d’un climat nouveau, et qu’ils pussent se reproduire. De telles conditions ne
pouvaient se rencontrer que parmi des peuples chez lesquels ces animaux
étaient domestiques ; or l’espèce du Buffle, qui paraît originaire des parties les
plus chaudes de l’Asie, se trouvait déjà sans doute, antérieurement au sixième
siècle, sur les bords marécageux de la mer Caspienne et de la mer Noire, où
elle est fort répandue aujourd’hui ; et c’est delà sûrement qu’elle passa chez
nous. En effet les peuples de ces contrées se jetèrent, comme on sait, sur l’Occident;
d’abord dans le cinquième siècle, qu’ils ne remplirent que de ravages
et de désolation; ensuite, un siècle après, avec les Lombards, qui s’allièrent à
eux pour faire la conquête de l’Italie, et s’y établir. Or il n’est pas douteux
que ces peuples, qui formaient de véritables émigrations, n’aient été suivis de
leur bétail, parmi lequel devaient se trouver des Buffles, et que ces animaux
n’aient pu alors se naturaliser, d’abord sur les rives du Pô, et ensuite au milieu
des marais qu’ils occupent aujourd’hui, principalement dans les environs de
Rome.
Le Buffle, comme on le voit par la figure que nous en donnons, est encore
plus lourd, plus épais, plus trapu que notre boeuf domestique, et il est aussi
plus fort. Ces différences générales ne sont pas les seules qui distinguent ces
animaux; quoique rapprochés par de nombreuses analogies, ils se distinguent par