leurs sabots simples et solides s’impriment dans la terre et y trouvent toujours
un sûr appui; tandis que les Chameaux, ayant un pied plat et mou, des doigts
séparés l’un de l’autre et peu mobiles, ne-peuvent marcher avec assurance que
sur un terrain ferme et qui résiste à leur poids. Ce serait don© à unfe si faible
cause, que serait dû l’ordre qui s’est établi dans notre économie agricole et
domestique; car il est certain qu’un autre état-de choses aurait eu lieu si le
Dromadaire ou le Chameau étaient venus partager les travaux de nos champs
avec le Cheval et le Boeuf. Aujourd’hui nos habitudes ont de si profondes racines,
des rapports si nécessaires se sont établis entre nos usages, toutes les
branches de notre industrie sont tellement liées les unes aux autres, que quelque
facile qu’il soit à l’Europe de se procurer des Dromadaires et d’en conserver
la race, il serait peut-être impossible d’en faire adopter l’emploi; ce ne serait
du moins qu’à force de tempé et d’efforts qu’on y parviendrait. Cependant cette
résistance serait sans fondements suffisants pour être raisonnable; le Dromadaire,
peut rendre des services que nous ne pouvons pas tirer des Chevaux, comme
nous le prouvent chaque jour ceux que possède notre ménagerie. En effet, ils
tirent seuls toute l’eau dont on se sert dans l’établissement entier du Jardin-du-
Roi;'un seul équivaut à deux forts chevaux; et chacun ne mange que deux bottes
de luzerne par jour, avec une assez faible portion d’avoine, mêlée de deux fois
autant de son.
Un mâle et une femelle de ces animaux furent achetés dans les environs de
Constantinople, par le propriétaire d’une ménagerie ambulante, qui nous les
vendit pour la somme de 2000 francs. La femelle était pleine, et elle mit au
monde, vers le mois d’avril, un petit mâle, qu’elle nourrit pendant une" année
environ, et qui a acquis une taille bien supérieure a celle de ses parents,
sans doute à cause de' l’abondante nourriture qu’il a reçue. A cette époque,
étant entrée en rut, elle fut couverte, et, après douze mois de gestation, elle
donna naissance à un petit femelle, qu’elle nourrit aussi pendant un an, et
que nous conservons. Elle fut de nouveau couverte ; mais, après les douze
mois révolus, elle mit au monde un individu mal conformé, qui mourut en
naissant. Depuis, cette femelle nous a encore donné un petit mâle, qui a un
an, et qui paraît devoir se conserver comme les premiers
La jeune femelle, ainsi que sa mère, viennent d’être couvertes, et nous avons
tout lieu d’espérer que deux petits en naîtront l’année prochaine, à la fin de l’hiver.
Cette abondante propagation n’a exigé aucun soin particulier; les animaux ont
tout fait. Lorsque le rut s’est déclaré, on les a réunis; le mâle a saisi la femelle
au cou avec ses dents, et l’a forcée, malgré les cris quelle jetait, à se coucher
sur ses quatre jambes; et alors l’accouplement a eu lieu à la manière de tous les
autres quadrupèdes.Cet acte produit sur le mâle un effet remarquable; lorsqu’il
est consommé, cet animal tombe dans une telle faiblesse qu’il peut à peine se
relever; mais cet état ne dure que quelques moments. La mue commence immédiatement
après le rut, et la peau se dépouille alors ëntièrement.
Le besoin de la reproduction se fait sentir en février et mars chez les
Dromadaires, et il est si violent, qu’ils cessent tout * à - fait de manger,
poussent de longs hurlements, et répandent par la bouche une bave épaisse;
une liqueur fétide et brune sort alors aussi des fortes glandes qu’ils ont
à la partie postérieure de la tête, et qui, aux autres époques de l’année,
6ont à-peu-près inactives. La délivrance des femelles ne nécessite aucun secours
étranger, et elles montrent le plus tendre attachement pour leurs petits. Ceux-ci
naissaient couverts de poils, les yeux ouverts, avec une petite bosse ; mais sans
aucune des callosités qui s’observent constamment sur les individus adultes, et
ils sont assez forts pour se soutenir sur leurs jambes. Leur couleur était d’un
gris roussâtre, et ils avaient constamment au garrot deux pieds et demi de
hauteur. La taille des adultes était de six pieds et demi à la même partie du
corps, et cette mesure peut donner celle de toutes les autres parties. Ils étaient
revêtus, en hiver sur-tout, d’un poil laineux, assez doux et très-épais, principalement
à la bosse, à la naissance des jambes de devant et sous le cou: dans
ces dernières parties, le poil était d’un brun presque noir, tandis que dans
toutes les autres il est d’un marron foncé.
Nous pensons que c’est la première fois qu’on donne la figure de cette variété
brune du Dromadaire, propre sur-tout aux contrées voisines du Caucase, c’est-
à-dire où la température est au moins aussi froide qu’en France, ce qui devrait
faire donner la préférence à cette variété sur toutes les autres, si son espèce
devait être introduite en Europe. Au rapport de Niebuhr (Description de l’Arabie,
pag. 144), il paraîtrait cependant que cette variété se rencontre aussi dans l’Iman.
Nous n’entrons ici dans aucun autre détail, parce que nous réservons tout
ce que nous avons à dire des organes pour l’histoire du Dromadaire d’Egypte,
autre variété de cette espèce, qui est le Camelus Dromedarius des auteurs systématiques.
Janvier 1820.