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développent proportionnellement à ses besoins; elles prennent plus ou moins de
force, suivant que la conservation de .l’individu le rend nécessaire; elles restent
bornées et faibles lorsque les besoins sont limités et se satisfont aisément, ou
deviennent excessifs si ces besoins s’accroissent outre mesure et sont difficiles à
assouvir.
L’individu qui fait l’objet de cet article était encore très-jeune; il paraissait
avoir beaucoup d’affection pour son gardien, auquel il obéissait avec docilité, et
avec qui il aimait beaucoup à jouer. Il avait 4 pieds 8 pouces du bout du museau
à la partie postérieure du corps; sa hauteur moyenne était de i pieds 5 pouces
g lignes, et la longueur de sa queue était de 3 pieds. Comme tous les autres
Tigres Royaux il était barré transversalement de noir sur un fond jaune aux
parties supérieures du corps, et sur un fond blanc aux parties inférieures. La
face interne de l’oreille et l’extrémité de la face externe, le tour de l’oeil, surtout
à sa partie supérieure, le bout du museau, les joues, la gorge, le cou, la
poitrine, le ventre, l’intérieur des membres et le bout des doigts étaient blancs.
Les parties jaunes consistaient dans les parties supérieures de la tête et du cou,
les épaules, le dos et une portion des flancs et la face externe des membres. La
queue était couverte de quinze anneaux noirs sur un fond blanc-jaunâtre , et
les quatre premiers se partageaient en plusieurs lignes. Les bandes noires ne sont
pas très-nombreuses, et ont des formes et des rapports trop irréguliers pour être
décrits. Mais il paraîtrait qu’elles ne sont pas constamment les mêmes, et qu’à
cet égard les individus peuvent différer dans certaines limites; c’est ce qui se
voit clairement en comparant le dessin très-exact que je donne, avec ceux qui
ont été faits d’après les divers Tigres qu’a possédés notre Ménagerie. Celui que
Maréchal a peint, et qui se trouve dans le bel ouvrage de MM. Lacépéde,
Cuvier et Geoffroy, intitulé la Ménagerie du Muséum National, etc., a un bien
plus grand nombre de ces bandés sur le dos que le nôtre, et un moindre nombre
sur les côtés et sur le ventre; le premier en a plusieurs sur le devant des
membres antérieurs, et le second n’en a aucune dans cette partie, etc., etc.
Le pelage de cet animal se compose entièrement de poils soyeux courts et
serrés, excepté sur les côtés du cou et des joues, oii ce même poil est long
et forme une sorte de fraise.
Cette espèce est diurne, sa pupille est ronde et non point allongée comme
celle du Chat domestique; du reste elle ressemble à tous les autres Chats; elle
a les mêmes sens, les mêmes membres, les mêmes organes de la génération, que
nous ayons fait connaître d’une manière générale dans notre article du Serval,
en attendant que nous entrions dans plus de détails, lorsque nous considérerons
ces animaux dans leurs rapports génériques.
Il n’est pas rare de voir aujourd’hui le Tigre Royal en Europe. Depuis que
les établissements des Anglais aux Indes se sont multipliés, il est peu d’années
qu’il n’en arrive en Angleterre, et.même en France. Aussi est-ce un des animaux
<jue l’on connaît le mieux pour les formes, les couleurs, et même le naturel.
Les Européens l’ont vu dans son état de nature; et, aidés de toutes les ressources
qu’ils savent tirer de leur industrie, ils se sont même fait un divertissement de
sa chasse. Ils nous ont plusieurs fois donné le récit de ce dangereux exercice;
et ils confirment, par les particularités qu’ils rapportent, ce qu’on avait déjà dit,
que le Tigre n’attaque sa proie que par surprise, et qu’il emploie contre ses
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ennemis l’adresse et la ruse plutôt que l’audace et le courage. Il se tient habi-
tuellement dans les taillis les plus fourrés voisins des rivières; et là, soustrait au
danger et cache par les arbrisseaux épais qui l’environnent, il trouve facilement
à assouvir ses appétits cruels en se jetant sur les animaux paisibles qui cherchent
un abri contre lardeur du soleil, ou qui viennent étancher une soif toujours
renaissante dans le climat qu’il habite.
On a vu en Angleterre deux de ces animaux s’accoupler et produire : leur
union fut- semblable à celle du Lion et de la Lionne, dont nous avons parlé
en donnant la description du Lion de Rarbarie. Il paraît que la gestation dura
environ trois mois et demi, ce qui se rapporterait à celle de la Lionne : mais la
Tigresse ne mit au monde qu’un seul petit, ce qu’il faut sûrement attribuer à
son état desclavage; car, dans la liberté de la nature, les portées sont de quatre
ou cinq petits. r
M. je comte de Lacépéde a donné, dans l’ouvrage que nous avons cité plus
haut, 1 histoire de cette espèce, et celle d’un Tigre qui avait vécu à notre Ménagerie;
et cette histoire, réunie à celle que fiuffon donna de la même espèce
présente un des tableaux les plus majestueux et les plus vrais de tous ceux <ml
les sciences et la littérature doivent à ces illustres et savants écrivains.
Les anciens ont connu le Tigre Royal. Pline et Oppien en parlent; et il paraît
que ceux qui furent vus pour la première fois à Rome avaient été offerts à
Auguste par des ambassadeurs indiens. Héliogabale fit aussi venir deux Tigres
de llnde pour les atteler à un char. 6
Cette espèce paraît être répandue dans toutes les contrées méridionales de
6 ’ dePu,s la Presqu île en deçà du Gange jusqu’à la Cochinchine. Elle a
souvent été représentée et décrite. Nos plus anciens naturalistes en donnent des
figures; on en trouve dans Gessner, Aldrovande, Jonston, etc., etc.; celle qu’en
donne Buffon est assez fidèle; mais la plus exacte, sans comparaison, est celle '
Maréchal, dont nous avons déjà parlé, mais qui est vue de face.