gauche, lorsqu’il veut s’avancer lentement, ou à s’élancer par sauts lorsqu’il veut
courir. Cette conformation, si peu favorable pour des animaux destinés à vivre à
terre, l’est beaucoup, au contraire, pour ceux qui doivent se nourrir de fruits ;1 excédent
de longueur des jambes de derrière sur celles de devant, ne nuit point
pour grimper aux arbres, et donne, au contraire , le moyen de s’élancer de
branche en branche , et même d’un arbre à l’autre ; aussi ces singes descendent
ils rarement à terre; réunis en troupes, ils peuplent, avec les oiseaux, le
ciel de verdure qui couvre les riches forêts de l’Asie méridionale , où l’on
croit qu’ils se trouvent ; car on n’est pas bien certain encore des pays qu’ils
habitent; dans ces retraites élevées , ils n’ont guère d’autres ennemis à craindre
que l’homme et les grands serpents; c’est pourquoi sans doute ils se rencontrent
en nombre si considérable, qu’ils fatiguent le voyageur autant par la pétulance
de leurs mouvements que par l’importunité de leurs cris. Nous en avons
possédé un assez grand nombre , de tout âge et de tout sexe ; il n est point
d’animaux plus agiles : celui dont nous donnons la figure s’élancait souvent de
manière à faire plusieurs tours, comme en volant, couché sur le côté, et ne'se
soutenant ainsi en l’air que par l’impulsion qu’il se donnait en frappant de ses
pieds les parois de sa cage. Ces M a l b r o u k s faisaient rarement entendre leur
voix, qui ne fut jamais qu’un cri aigre et faible, ou bien un grognement sourd.
Les mâles, dans leur jeunesse, étaient assez dociles; mais dès que l’âge adulte
arrivait, ils devenaient méchants, même pour ceux qui les soignaient; les femelles
restaient plus douces, et paraissaient seules susceptibles d’attachement.
La circonspection est une des qualités principales du caractère de cette espèce;
cependant les M a l b r o u k s sont excessivement irritables; mais si d’un côté ils
sont violemment poussés parleurs penchants, de l’autre ils calculent tous leurs
mouvements avec soin ; et lorsqu’ils attaquent, d’est toujours par derrière, et
quand on n’est point occupé d’eux; alors ils se précipitent sur vous, vous
blessent de leurs dents , ou de leurs ongles, et s’élancent aussitôt pour se
mettre hors de votre portée, mais sans cependant vous perdre de vue, et cela
autant pour saisir le moment favorable à une nouvelle attaque que pour se
soustraire à votre vengeance. L’extrême irritabilité du M a l b r o u k est causé
qu’on ne peut ni l’apprivoiser entièrement ni lui faire supporter de contrainte ;
c’est-à-dire qu’il n’est susceptible d’aucune éducation que de celle de la nature;
dès qu’on le violente et qu’on veut qu’il obéisse, sa pétulance cesse, il devient
triste et taciturne, et bientôt après il meurt. Ces animaux se servent de leurs
mains avec beaucoup d’adresse; ce sont des organes qu’ils emploient à tout;
c’est avec eux qu’ils portent ordinairement leur manger à leur bouche, qu’ils
jouent, qu’ils se battent; et ils saisissent les plus petits objets entre leur index
et leur pouce, malgré la brièveté de celui-ci; lorsqu’ils mangent des fruits ou
des racines , ils ont toujours soin de les peler avec leurs dents, et ils flairent
tout ce qu’on leur donne à manger ; ils boivent constamment en humant.
Leurs sens sont fort bons, sans cependant etre délicats; et cest de celui de
la vue dont ils font évidemment le plus d’usage. Les maies paraissent toujours
disposés à l’accouplement , mais je n’ai jamais vu de femelles dans ce cas :
aussi l’on ignore toutes les circonstances qui sont relatives à la reproduction de
cette espèce. En général, les guenons sont beaucoup moins portées à se reproduire
dans nos climats, et dans la gêne où nous les tenons, que les autres
singes de l’ancien continent. Gètte espèce appartient , comme nous l’avons déjà
dit, au groupe de guenons; elle en a tous les caractères : quatre incisives,
deux canines, longues et fortes, et cinq molaires de chaque côté des deux mâchoires,
la dernière d’en-bas. a quatre tubercules seulement; des pouces séparés
aux quatre membres, longs et forts à ceux de derrière, courts et faibles à ceux
de devant; la paume des quatre mains nue; des yeux conformés comme ceux
de l’homme ; des oreilles également semblables aux nôtres, mais sans hélices ;
un nez plat et des narines qui consistent en deux fentes ouvertes en arrière du
bout du museau, formant entre elles un angle droit, séparées par l’épaisseur de
la cloison intérieure et qu’aucun appareil glanduleux n’environne. Une langue
très-douce; des abajoues; des lèvres minces, mais très-extensibles; des callosités
aux fesses , et une longue queue relevée habituellement en arc. Les mâles ont
une verge qui se retire jusque dans le scrotum; et celui-ci, dans les adultes, est
volumineux et pendant ; dans les jeunes , il est petit et à peine sensible. Les
femelles ont l’ouverture du vagin très-simple, avec un clitoris fort petit.
Toutes les parties supérieures du corps sont d’un gris-verdâtre, qui résulte
de poils alternativement colorés de jaune et de noir, dans leur moitié extérieure;
les membres, en dessus, et la queue, dans toute sa longueur, sont d’une
couleur grise, produite aussi par des poils couverts d’anneaux blancs et noirs.
Les poils de toutes ces parties sont gris à leur base. La face interne des membres,
la partie postérieure des cuisses, le ventre, la poitrine, le cou, la gorge, les
joues, et un bandeau sur les sourcils, sont blancç. Les poils des côtés des joues
sont très-longs , et se dirigent en arrière , en formant des espèces de favoris.
Les yeux sont bruns. Le museau est noir, excepté autour des yeux, où il y a
de la couleur de chair; et cette dernière couleur tient d’autant plus de place
que les individus sont plus jeunes. Les oreilles et les paumes des mains sont
également noires. Les callosités et le tour de l’anus sont rouges, et cette couleur
devient encore plus vive à l’époque du rut. Enfin, les testicules sont remarquables
par leur belle couleur du lapis le plus pur.
B uffon (tom.XIV. pl. 29. ) n’a eu à sa disposition qu’une femelle du M a lbr o u k ,
ce qui l’a empêché de faire connaître tous les caractères de l’espèce. Mais
S c o p o l i ( Delicioe Floroe, et Faunce, etc., tab. 19.) a fait représenter le mâle sous
le nom de Cynosuros ; on le reconnaît aisément à la couleur des testicules. Ce
sont là les deux seules figures du M a l b r o u k , que nous connaissions, faites d’après
des individus vivants, et ni l’une ni l’autre ne donne une idée exacte
de cette espece. Celle de B u f f o n , vue de face, ne montre point le museau arrondi
qui lui est propre ; et celle de S c o p o l i n’est guère reconnaissable
qu’à ses testicules bleus. B u f f o n a rapporté à son M a l b r o u k le Cercopithécus-
Barbatus I. de C l u s i u s , dont L in n æ u s a] fait son Simia-Faumis, et B r i s s o n
son singe barbu à queue de lion; mais ce rapprochement est trop évidemment
arbitraire pour que nous l’admettions : la figure de ce cercopithèque barbu de