LENTELLE.
C ’ e s t à M. Dufresne, aide-naturaliste au Jardin du Roi, que la Zoologie doit
la connaissance de cette nouvelle espèce de Singe; elle avait été vue souvent
sans doute par les voyageurs, car c’est l’espèce de Quadrumane qui paraît être
la plus commune au Bengale; et c’est indubitablement à cette circonstance qu’il
faut attribuer l’ignorance où nous étions restés à son égard. Ceux qui voyaient
ces Singes abondamment répandus dans cette partie des Indes, qui en trouvaient
les forêts remplies, les pagodes couvertes, pensant qu’ils avaient dû, en plus grand
nombre qu’aucune autrè espèce, être transportés en Europe, les repoussaient
comme des animaux sans intérêt, et trop communs pour exciter aucune curiosité.
Cest au reste, et il est bon de le dire, ce qui arrive ordinairement. Ce ne
sont pas les productions les plus communes des pays étrangers dont les cabinets
sont les plus riches; et le voyageur qui s’attachera à les recueillir, surtout lorsque
les contrées où il se trouvera ne seront pas anciennement connues, sera' sûr
d’obtenir presque autant d’objets nouveaux que s’il ne réunissait que ceux qui
sont plus difficiles à obténir à cause de leur rareté, et surtout plus généralement
recherchés à cause de leur éclat.
L’Entelle méritait cependant une attention toute particulière; ce n’était point
seulement une espèce distincte des autres, comme plusieurs le sont, par les
teintes de quelques-unes de ses parties ou par les dimensions de quelques-uns de ses
organes; tout en lui semble annoncer un type nouveau : sa physionomie générale,
les proportions de ses membres, ses dispositions intellectuelles. Car, quoique
avec tous les caractères génériques des Guenons, il n’avait,point l’extérieur de
ces Singes : au lieu de ces membres vigoureux dans leurs proportions, et qui
annoncent autant d’agilité que de force; au lieu de cette pétulance dans les
mouvements, de cette vivacité dans le regard, de cette mobilité dans les traits
du visage, l’Entelle a des membres d’une longueur démesurée et en apparence
très-grêles, des mouvements lents, un oeil et une physionomie dont rien ne
semble pouvoir altérer le calme. Sans sa longue queue, on aurait pu le prendre
pour une espèce de Gibbon; en effet, c’est sous ce nom qu’il nous avait été
annoncé, ses rapports avec les autres Quadrumanes ayant été établis d’après son
caractère moral plutôt que d’après ses caractères physiques. Il semblerait être
pour les Guenons Ce que les Atèles sont pour les Sapajous.
Cet animal nous avait été donné par M. Bressand, qui l’avait lui-même rapporté
du Bengale, sur le bâtiment la Seine, dont il était le médecin; il était très-affaibli