
la baguette ât
vlnatoïre.
Jacques Aimar
a beau-
coup contribué
à donner du
çrédit 4. la ba-
gum* ,
341 A rchitecture Hydraulique, L ivre IV.
veilleux des prétendues vertus d’une certaine verge fourchue de
bois de coudrier, nommée communément Baguette devinatoire ,
avec laquelle ils prétendent que l’on peut découvrir, non-feulement
les fources, mais encore l’or, l’argent 6c les autres métaux
cachés dans le fein de la terre, 6t même le chemin qu’aura, tenu
un meurtrier ou un voleur, 6c le diftinguer en quelqu’endroit qu’il
foit, fans avoir d’autres connoiflances que celle qu’on tirera des
lignes que donnera la baguette, qui n’a cette vertu qu’entre les
mains des impofteurs ou des gens difpofés à tout croire.
Plufieurs Auteurs anciens ont parlé de cette baguette comme
d’une merveille, entr’autres Neuhufius, Varron, Agricola, Cicéron,
8ec. 6c il y a apparence qu’on a puifé dans leurs écrits les
idées chimériques qu’on a eu depuis fur ce fujet. Il n’eft pas furpre-
nant que dans le tems du paganifme, où l’on croyoit des chofes
bien plus ridicules, on ait pu ajouter foi à tout ce qu’on publioit de
la baguette : mais dans un liecle auffi éclairé que Je nôtre, peut-on
excufer des Auteurs graves, tels que les révérends Peres Schott,
Dechalles, Kircher, l’Abbé de Vallemont 6c tant d’autres,.d’en
avoir parlé comme d’un fait dont on ne pouvoir, raifonnablement
douter.
1355. Ce qui a beaucoup contribué à augmenter de nos jours
le nombre des partifans de la baguette, ce font les prodiges que
l’on dit qu’elle a opérés entre les mains d’un certain payfan de Saint
J^eran près de Saint Marcellin en Dauphiné, nommé Jacques Ai~
niar, qui s’eft rendu à Paris en 1693, où il a fait beaucoup de
bruit, ayant eu l’art de perfuader à un très-grand nombre de personnes,
même delà premièreconlîdération, qu’il avoit la vertu,
■ moyennant la baguette, prife indifféremment de toutes fortes de
•bois, de découvrir les fources, les tréfors cachés, les voleurs 8c
les affaffins. Il foutenoit qu’un jour ayant été la baguette à la main
pour chercher de l’eau dans fon voifinage, elle s’étoit inclinée fu-
bitement en un certain endroit, où ayant fait fouiller, il trouva au
lieu d’ eau une femme qu’on avoit étranglée ; ce qui lui fit préfumer,
que puifque fa baguette tournoit fur les Cadavres de ceux
qui avoient été alïaffinés, elle pourrait bien donner quelques fignes
lorfqu’elle ferait auprès de l’aftàfiïn. Il ajourait que l’événement
avoit confirmé fon opinion, qu’ayant fuivi le meurtrier à la pille
durant plus de 45 lieues , fans.d’autres guides que la baguette, il
l’atteignit enfin à Lyon, 8ç reconnut que. c’étoit le mari de cette
femme. Que depuis ce tems-là il avoit découvert plulieurs autres
meurtriers qu’il favoit diftinguer d’avec les inr»Qceps, parce que
C hàp. IV- de l a Recherche et C onduite des Eaux. ,343
la baguette tournoit fur les criminels, en mettant fon pied fur 1 un
des leurs. ' , . ;
On peut bien juger qu’un traitauffi fameux nt beaucoup d éclat,
fans que perfonne fe mît en peine d’approfondir la vérité du fait,
qui paroît pourtant bien {impie. Jacques Aimar pouvoit avoir quelque
foupçon du meurtre, chercher ôc découvrir naturellement
l’endroit ou cette femme avoit ete enterree , foupçonner le mari
plutôt qu’un autre, parce qu’il s’etoit évadé, le fuivre fur des indices
dont il fe fera inftruit en chemin, le rencontrer au bout de
45 lieues, 8c tout cela fans avoir recours au prodige. Or , comme
c’eft fur l’autorité du digne perfonnage dont nous parlons que fe
fondent aujourd’hui ceux qui preconiient les vertus de la baguette -,
on faura à quoi s’en tenir quand on fera prévenu du fait fuivant.
13 5 6. M. Colbert ayant appris les merveilles que Jacques Aimar
publioit, voulut que l’Académie des Sciences vit cet homme, 6c
chargea JVL l’Abbé Gallois de le produire ; bayant mene dans la
cour de la Bibliothèque du Roi, où l’Académie tenoit alors fes
féances, M. l’Abbé Gallois montra à Jacques Aimar, en préfence
de l’Affemblée qui étoit aux fenêtres, une bourfe pleine de louis
d’or que M. Colbert lui avoit remis, lui dit qu’il alloit entrer dans
le jardin pour la cacher, 8c qu’on verroit enfuite s’il la découvrirait.
Après avoir remué en quelqu’endroic la terre, il vint rejoindre
l’Aflèmblée, & dit à Jacques Aimar qu’il pouvoit aller chercher
dans la plate-bande qui venoit d’être labourée, le fit entrer dans le
jardin, où il l’enferma ; quelque tems après on fit ouvrir la grille,
enfuite Jacques Aimar vint fe plaindre de ce qu’on l’a.voit laiffé enfermé
fi long-tems , & dit à l’Aflemblée que la bourfe étoit aupied
du mur, du côté du cadran. Alors M. l’Abbé Gallois , qui au lieu
d’avoir enterré cette bourfe l’avoit adroitement donné à garder
à un de fes amis avant même que d’entrer dans le jardin, afin
doter tout prétexte, la reprit & la montra à Jacques Aimar pour
le convaincre de fon împofture. Ce charlatan voyant a quelles
cens il avoit affaire , fe retira pour ne point eflfuyer de plus grands
éclairciflèmens, 6c toute l ’Aftèmblee loua 1/1. Gallois delavoir
débarraffée de cet homme, qui eft retourné dans fon pays immédiatement
apres cette aventure. . _ . ,
1 1337. Quand on eft une fois épris du merveilleux, ce n’eft jamais'
à demi, 6c il n’y a point d’impertinence qu’on ne foit difpofé a
croire; cen’étoit point aflèz d’avoir donné à la baguette les magnifiques
vertus dont nous venons de faire mention, on a cru qu il lui
en manquoit encore une, 6c ort la lui a donnée. On prétend qu’on
peut, avec fon fecours, diftinguer les offemens des Saints canoîacqtiôs
Aima
r ; tjl pris
poiir dupe par
MM. de l'A cadémie
Royale
des Sciences,
qui le convainquent
de
fon impojlure.
Vertu firigt-
liere quon pré'
tend qu’a eit
la baguette en~
ire Iss main A
A’une fille de
Grenoble,