
136 A rchitecture Hydraulique, L ivre IV.
de la riviere d’environ 105 pieds, Se en étant éloigné de é8o toi-
fes ; ce projet n’a pas encore été entamé , à caufe des difficultés
que prélentoit l’exécution, Sc de la dépenfe extraordinaire qu’on
eftimoit qu’il falloit pour le remplir.
Prévenu que les cuvettes de la machine appliquée au pont Notre
Dame font élevées de 81 pieds ( 1118) au-deflus du lit de la riviere
, on faura que le rez-de-chauflee de l’Eftrapade eft d’environ
14 pieds plus élevé que le fond des mêmes cuvettes ; par confié-
quent qu’il fie trouve fuperieur de 1 o 5 pieds au lit de la riviere- Mais
comme il faut que l’eau qu’on y veut conduire le décharge dans
une cuvette qui foit au moins de 15 pieds fiuperieure au même rez-
de-chaufïee', afin de pouvoir ménager un réfervoir , Se que cette
eau , qui doit faire plus de 687 toiles de chemin , doit avoir en
outre environ 16 pieds de charge , pour être chalfiée avec une vî-
teflè convenable , on voit qu’il faut d’abord l’élever à 136 pieds
au dellùs du lit de la riviere.
Les anciennes pompes de la machine appliquée au pont Notre-
Dame , n’élevant qu’avec beaucoup de peine l’eau à 81 pieds,
on n’avoit garde d’entreprendre de la faire monter à 5 5 pieds plus
haut, pour la conduire à l’Eftrapade. D ’ailleurs, comme le bâtiment
au fommet duquel fie trouvent ces cuvettes, eft porté fur des pilots ,
Sc qu’il eft formé d’une carcaftè de charpente , qui n’eft point allez
fiolide pour pouvoir être autant exhauffiée qu’il lefaudroit, on n’a pu:
prendre le parti qui femble le plus naturel pour élever l’eau à l’Ef-
trapade ; voilà les principales caufes qui ont fait penfer Meilleurs
de la Ville à la conftruction d’une nouvelle machine.
Depuis dix ans, ces obftacles n’ont fait qu’irriter l’émulation d’un
grand nombre de Machiniftes, qui fie font rendus à Paris de toutes
les Provinces du Royaume, 8c même des Pays Etrangers, fa-
chant que M. Turgot avoit ce deflèin plus à coeur qu’aucun de
fes prédeceflèurs ; mais ce grand Magiftrat, peu fatisfait des productions
des uns, 8c effrayé des conditions que les autres exigeoient,
a toujours différé de fe déterminer fur un projet de cette importance.
Dans le mois d’Août de l’année 1737 , deux Etrangers affociés
ont propofé à Meffieurs de la Ville , de conftruire une machine
mûe par l’aétion du feu , pour élever une certaine quantité d’eau-
fur la place de l’Eftrapade , moyennant ces conditions ; qu’on
leur donnerpit neuf cens mille livres pour la conftruction de la
machine, deux cens mille d’honoraire, 8e qu’ils en auroient la direction
, avec cinquante mille francs pour fon entretien annuel ;
C h a p . ï . d e l a manière d ’e l e v e r l ’E a u p a r Un e C h u t e . 1 3 7
ainfi il s’agiffoit d’un fond de deux millions cent mille livres.
Ce fut après ces belles propofitions dont j’ai été témoin, que je
démontrai à Meffieurs de la Ville , que moyennant dix-fept ou
dix-huit mille livres, on pouvoit rendre la machine du pont Notre
Dame capable de fournir 100 pouces'Ü’eau de plus qu elle n en
produit ordinairement, Sc que je ne défefperois pas, avec une dépenfe
modique , de faire paffer une partie de cette eau a 1 Elira-
pade , ce qui aura peut-être fon exécution quelque jour ; mais il
baudroie d’abord renouveller les tuyaux de conduite qui partent
de la pompe , pour fe rendre aux premières fontaines de chaque
quartier ; afin de leur en fubftituer d’autres d’un diamètre plus fort,
parce que ceux qui font en place ne peuvent actuellement recevoir
toute l’eau que les pompes élevent. Or comme le projet dont je
parle demanderoit encore la rectification des pompes de la fécondé
roue avec des modifications relatives à mes vues , il me fuffit
préfentement d’en faire mention, Sc je m’expliquerai, a ne laiffèr
aucun doute , lorfque le zele de Meffieurs de Ville pour le bien
public répondra aumien. Ayant travaillé férieufement a y parvenir,
j’ai trouvé différens moyens , parmi lefquels il y en a un des plus
Amples ; cependant mes réflexions fur ce fujet m’ayant fait naître
l’idée d’une machine pour élever auffi haut que 1 on voudra, 1 eau
d’une chute au-deflus de fon niveau , j’ai cru ne devoir point héfiter
d’en faire part au public , cette invention pouvant devenir fort utile
dans un grand nombre d’occafions.
Cette machine peut paffer pour une des plus nouvelles Sc des plus'
fingulieres ; ce n’eft pas qu’on n’ait penfé avant moi a fe fervir d une
chute, pour faire qu’une partie de l’eau éleve l’autre au-deflus de
fon niveau , comme nous ferons voir que l’ont exécuté a Pans
M. Francini , dans le Jardin de l’ancienne Bibliothèque du Roi, par
le moyen d’un certain chapelet; M. Bucket, en Angleterre, avec
deux fceaux, qui en montant Sc en defeendant, deviennent alternativement
plus pefants l’un que l’autre ; Sc en dernier lieu, Meilleurs
de la Deuille Sc Denifard * d’une maniéré fort ingénieufe ,
qui leur a fait beaucoup d’honneur parmi les habiles Gens , mais
qui n’a rien de commun avec celle que je vais développer, laquelle
méritera peut-être l’attention des curieux, a caufe de fa /implicite ,
Sc de la julteflè qui régné dans toutes fes parties, dont les dimen-
£ons font déterminées félon les réglés les plus exaétes.
1150. Je crois qu’il convient de faire remarquer en paflànt,,
qu’une chute d’eau occafîonnée par des éclufes , digues , batardeaux
, tuyaux defeendans,. 8cc. ne renferme rien qui ne foit com-
Nouvelle machine
imaginée
par l ’Auteur'
en cherchant
la maniéré de
faire monter
l'eau a l 'E f -
trapader
* M. Déni-»'
fard efl le meme
Eccléfiaf-*-
fique que nous
avons nommer
Goffet dans'
les articles
67.5,560.
Remarque
fu r l'aElïcn
d'une chute