Craïova, on passe insensiblement à une steppe véritable. A la hauteur
de Caracal on trouve encore des bois de chênes spéciaux ( Q. p u-
bescens, Q. c o n fo rta ), accompagnés de buissons, de noisetiers, de
troènes, de sureaux. Ce sont les restes d’une couverture de foret
peut-être plus étendue jadis ; mais il est probable qu’il y eut toujours
une zone de steppe aux environs du Danube. Les précipitations
partout inférieures à 600 m/m n’atteignent pas 500 sur les bords
du grand fleuve (Caracal 566 m/m, Corabia 485 m/m). Ce n ’est pas
assez pour un sol de limon poreux.
La vallée du Jiu, quoique très fertile, n ’est pas sensiblement plus
peuplée que la terrasse diluviale. Le fleuve y serpente en méandres
accompagnés de bras morts, où les roseaux poussent en vrais fourres.
Les inondations sont fréquentes 1. Le sol imprégné d’humidité a des
exhalaisons malsaines ; en août, les environs d’une grande ville
comme Craïova ont souvent des odeurs qui saisissent le voyageur
passant en chemin de fer. Dès le début de l’automne, les brouillards
du matin s’élèvent du fleuve, leurs vapeurs qui s’accrochent aux
coteaux, donnent aux berges dominant de près de 100 mètres le
fond de la vallée, l’air d’une petite montagne.
A l’O. du Jiu, la terrasse diluviale n’existe guère. Au delà du
Desnâtul, on entre dans une région d’aspect nouveau. C’est une
plaine inférieure à 100 mètres d’altitude, complètement dépourvue
d’arbres, mais semée de collines basses et allongées. Bientôt ces
accidents de terrain qui se répètent de plus en plus, prennent l’apparence
de rides parallèles, orientées à peu près du N.-O. au S.-E., avec
la régularité de véritables dunes. La première entaille dans le sol
montre qu’il est formé de sables fins et que ces ondulations sont bien
des dunes en partie consolidées. Là où la charrue n’a pas passé, se
montre une végétation toute spéciale : grands chardons, bouquets de
scabieuses balançant gracieusement au vent leurs larges fleurs,
touffes d’oeillets et de silènes aux calices gonflés, avec çà et là un
tapis d’herbes sèches d’un vert roux, graminées et cypéracées xéro-
philes, mêlées de quelques plantes grasses2. Des petits lacs en chapelet,
des marécages apparaissent entre les dunes de plus en plus
serrées au fur et à mesure qu’on approche du Danube.
1. Chiru. Canalisarea rîurilor çi irrigatiuni, Bull. Soc. Géogr. Rom., 1893.
2. On cite (Gbecescu, Conspectul, p. 764) : Centaurea banatica, Dianihus prolifer,
D. Salubetrum, Silene viscosa, S. conica, Onosma arenarium, divers Crambe,
Cakile, etc.
L ’absence de l’homme frappe encore plus ici que sur la terrasse
diluviale. Pourtant cette région est loin d’etre inhabitée, la densité
de la population y atteint en moyenne 33 habitants par kilométré
carré. Le sable, soutenu presque partout par les marnes pontiennes
ne manque pas complètement d’eau et est un bon terrain pour les
céréales. Mais les pluies sont trop peu abondantes pour que la nappe
aquifère puisse être atteinte autrement que par des puits profonds.
Aussi toute la population est concentrée en de gros villages ; on en
trouve peu de moins de 1,000 habitants, les bourgs de plus de
3.000 âmes ne sont pas rares (Mofajeu 4,474 habitants, Galicea Mare
4,158, Maglavitu 4,290, etc.) ; on compte deux villages ayant gardé,
à tous les égards, le caractère d’agglomération rurale et qui dépassent
8.000 habitants (Bâilesci 8,879, Poiana 8,618).
Ce groupement de la population en gros bourgs est celui qu’on
retrouve dans la plaine hongroise entre le Danube et la Theiss.
C’est bien en effet une véritable petite pussta que ce coin d’Olténie,
dépendance de la vallée Danubienne, plus que de la terrasse diluviale.
Cette zone qui s’étale à l’Ouest du Desnâjul jusqu’à la hauteur
de Galicea, s’étrangle a Calafat où le Danube est resserré entre deux
plateaux de plus de 100 mètres, pour s’épanouir de nouveau en
amont de Cetatea. Là se retrouvent les gros villages comme Pis tu -
lele, les alternances de dunes et de marécages, comme dans la plaine
de Flamânda. Nous verrons plus loin (chap. X IIÏ) comment on peut
suivre les progrès de l’assèchement de cette région jadis balayée par
le courant puissant du Danube, et à laquelle conviendrait le nom si
souvent mal appliqué de Terrasse Danubienne.
Y
Les dépressions subkarpatiques, le haut plateau de Mehedinfi, les
hautes et basses collines, la terrasse diluviale et la terrasse danubienne,
autant de régions naturelles bien tranchées, autant d’aspects
variés que présente l’Olténie. On pourrait hésiter à y ajouter encore
le val d’Oltu, large dépression surpeuplée, antique voie de communication
qui traverse toute la Yalachie, frontière séculaire de deux
pays. Une connaissance familière de la contrée, un peu de pratique
de la vie rurale suffiraient pour lever tous les doutes.
Pour le cultivateur de Yâlcea ou de Itomanaji, c’est l’Oltu qui est
le pays béni. Là sont les foires, les grands marchés, les villes où l’on