
 
		Yers 1,400 à 1,500 mètres, les dauphinelles (Delphinium alpinum),  
 les  aneolies  (AquUegm  alpinà),  les trolles,  commencent  à  abonder.  
 Les grandes violettes, les gentianes, annoncent le voisinage des prairies  
 alpines. 
 La limite entre la zone du hêtre et la zone du sapin  est rarement  
 nette.  Ces  deux  arbres  se rencontrent fréquemment mêlés,  du haut  
 en bas  des  pentes boisées.  Souvent  le  sapin manque  complètement,  
 sauf dans la zone la plus  élevée  où la forêt  commence à  s’éclaircir.  
 D’une façon générale,  le  sapin paraît prédominer  sur le versant  N.  
 des Karpates.  Notre  carte botanique et forestière  met nettement  ce  
 fait en évidence. 
 Il est probable que l’extension du sapin a dû être jadis beaucoup  
 plus  considérable.  Le  hêtre  est visiblement  en  nrogrès.  Partout  où  
 il réussit à s’établir, le sapin est destiné à disparaître. L’épicéa, surtout, 
   est  atteint de maladies  qui  respectent  davantage le  hêtre.  De  
 gros  champignons  ligneux  forment  des  saillies  sur  les  troncs,  des  
 lichens blanchâtres  (Usnea  longissima)  pendent  en touffes  épaisses  
 des  branches  à  demi-mortes.  On  peut  voir,  en  quelque  sorte,  sous  
 ses  yeux  s’opérer  l’étouffement  du  sapin par  le  hêtre.  Là,  c’est  un  
 jeune hêtre qui  commence à pousser entre deux sapins  élevés.  Plus  
 loin, un autre, plus avancé, ai dressé sa haute colonne au milieu d’un  
 bouquet de conifères ; ses branches vigoureuses s’étalent tout autour,  
 pénètrent  le  feuillage  déjà  décoloré  des  sapins,  les  dépassent,  les  
 enserrent, tandis  que ses racines noueuses,  qu’on voit saillir du  sol,  
 viennent s’enlacer à celles des arbres voisins et leur disputer la terre  
 nourricière. 
 Il n’est pas impossible  qu’on  ait là un phenomene  naturel ;  mais  
 l’homme a certainement contribué pour beaucoup au recul des conifères. 
  L a hache imprudente du paysan roumain abat, de préférence,  
 le  moliv  au  tronc  robuste,  aux  branches  résineuses,  qui  crépitent  
 toutes vertes dams les grands feux allumés à la hâte.  Les montagnes  
 les plus sauvages, les moins habitées en été,  sont aussi presque toujours  
 celles  où la forêt de sapin est la plus belle  et la plus  étendue.  
 Là où le sapin n’existe en abondance que dans la partie la plus élevée  
 de la zone subalpine, comme, par exemple, dans la chaîne du  Cozia,  
 dans les monts  du Buzeu,  sur  les pentes méridionales  des monts  du  
 Lotru, les bergeries, qui sont toujours établies à la limite de la forêt  
 et des hauts pâturages,  sont un  agent de destruction qui peut faire  
 disparaître  complètement les conifères.  On trouve, sur le versant  S. 
 du Paringu, sur le flanc E. de la chaîne du Godeanu, dans les monts  
 de la Cerna, de vastes étendues où la forêt est exclusivement formée  
 de  hêtres,  jusqu’à  la lim ite  supérieure  des  arbres.  L a haute  vallée  
 de Capra, dans les monts de Eogarash (sources de 1 Arge§), a comme  
 derniers représentants de la végétation arborescente, des érables faux-  
 platane et des aulnes. 
 L ’exposition,  le  caractère  du  relief,  le  voisinage  plus  ou  moins  
 grand des bergeries contribuent donc à donner à la forêt des  caractères  
 différents.  Les  plantes  herbacées  de  cette  zone  ne  sont  pas  
 indifférentes à la nature du sol ; les massifs de calcaire secondaire et  
 les grès du flysch ont une flore beaucoup plus riche que les régions  
 cristallines l.  Les pentes  de P iatra Craiului,  les prés-bois  du massif  
 du Csukas, les vallées du Bucegiu,  sont de vrais édens pour le botaniste. 
   Les  stations  sont là plus distinctes que  partout  ailleurs,  plus  
 riches en espèces et en individus 2. A P iatra Craiului, dans les gorges  
 des torrents,  l’abondance  des  valérianes  est  étonnante.  Les  campanules  
 karpatiques  forment  de  vrais  buissons  le  long  de  l’eau ;  les  
 caltha et les séneçons constituent un tapis épais ; à l’ombre des blocs  
 rocheux,  pousse  une  saxifrage  à  fleurs  blanches  tachées  de  rouge  
 (,Sax.  cuneifolia),  que  remplace  une  autre  espèce,  du  côté  exposé  
 au soleil  (Sax. cochlearis) 3. 
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 La hauteur à laquelle finit la forêt est très variable.  Rarement la  
 limite est nettement tranchée, comme on le voit sur le versant S. du  
 Paringu,  au Molidvis,  et  dans  certains  points  des  montagnes  de  la  
 Cerna.  Le plus souvent, la forêt  s'égrène peu  à peu,  en passant par  
 une série de formations curieuses, qui occupent une zone  d’une largeur  
 moyenne  de  200  mètres  en  altitude.  C’est  notre  zone  alpine  
 inférieure,  allant  en  moyenne  de  1,700  à  1,900  mètres.  L ’étude  de  
 cette  zone  offre  le  plus  grand  intérêt,  et  il  serait  désirable  qu’elle  
 fût accompagnée  d'observations  météorologiques ;  nous  ne  connaissons  
 malheureusement aucun essai de ce genre, même pour les Alpes  
 et les Pyrénées. 
 1.  Noté par K o ts c h y .  Beitrage  zur Kenntniss des Alpenlandes  in Siebenbürgen,  
 Verh.  Zool.  Botan.  Verelns,  Wien,  III,  1853. 
 2.  Pax  (Grundziige,  p.  132)  remarque  que  sur  les  pentes  rocheuses  ensoleillées  
 on retrouve des espèces de la région des collines,  à l’ombre des plantes alpines. 
 3 . Kotschy,  loc.  cit.