sandres, silures, tanches et carpes d’assez belle taille. Mais, c’est
après les grandes crues qu’on fait les plus belles captures. La pêche
de l’esturgeon est organisée surtout dans la région du delta. C’est
là qu on prend les plus beaux exemplaires de YAcipenser Huso,
qui donne le caviar de première qualité. Cependant, on en apporte
encore d’assez beaux au marché de B ràila.
La population adonnée à la pêche n’est encore qu’une assez faible
portion de la population riveraine du Danube. Les pêcheurs habitent
de rares hameaux établis au bord du fleuve, sur un point un peu
plus élevé de la berge, parfois entouré de marais comme Bertesei,
Polizesci près du Calmafuiu, Azârlac en face de Galaji, Ghicet
en face de Braila. Ils ont dans la Balta des habitations temporaires
: huttes formées de claies d’osier et de roseaux que les crues
emportent souvent. Les maisons des surveillants, élevées sur une
plate-forme en pierre sèche, accompagnées de hangars en pisé et
en claies, où l’on prépare le poisson salé, sont un peu plus abritées.
Pourtant, les grandes eaux y viennent parfois jusqu’aux fenêtres.
L a B alta n est pas un lieu sur pour l’homme. Le peu de culture
qu on y fait est pratiqué un peu au hasard. Après les crues du printemps,
celui qui a quelques grains en réserve se hâte d’ensemencer
les vastes prairies couvertes de limon. Dans ce sol gras, sous les
rayons ardents du soleil, les céréales poussent avec une vigueur et
une rapidité inouïe. Si l’on a la chance que la prochaine crue
n’arrive pas avant la moisson, c’est une bonne récolte ; sinon on se
console aisément. C’est le Danube « Asa ie Dunarea, » dit le paysan,
comme le montagnard dit, d’un air résigné : « Aça ie la munte ! »
Pour le pâturage, les prairies découvertes pendant les maigres d’automne
sont encore une ressource. Les moutons et même les vaches
y trouvent jusque sous la neige d’hiver, une herbe verte et fraîche.
E n somme, la plus grande partie de la population riveraine du
Danube est formée par des cultivateurs qui ensemencent et moissonnent
les plaines steppiques du Buzeu, du Bâràgan, du Teleor-
man, et viennent chercher, sur la berge du grand fleuve, les sources
jaillissant à flanc de coteau ou l’eau facile à atteindre par des puits
peu profonds, l’abri de quelques bouquets de saules ou de chênes, et
le voisinage de fourrés de roseaux pour se chauffer et confectionner
les objets domestiques les plus usuels. Depuis l’embouchure du Jiu,
c’est, sur le rebord de la terrasse limoneuse valaque, une succession
à peu près continue de gros villages, tellement serrés, que, même
m
sans retrancher la surface occupée par le fleuve et les lacs latéraux,
la densité de la population s’élève, dans la vallée danubienne, à plus
de 70 habitants par kilomètre carré entre Bechet et Calaraçi.
Le long de la Balta, les villages, tantôt dispersés tout autour de
plaines souvent marécageuses, comme celle du Coscovaju, à l’ern-
bouchure de la Jalom ija et du Calmajuiu, tantôt alignés sur le bord
de la terrasse, dominant le Danube de 30 à 40 mètres, comme entre
Calarai-si et Burduçani, donnent encore, si l’on met à part la Balta
proprement dite comprise entre les deux bras du Danube, une densité
supérieure à 60 habitants par kilomètre carré. Dans beaucoup
de ces villages, le paysan se fait au besoin pêcheur. Mais c’est la
culture du sol fertile et sec de la terrasse diluviale qui est la principale
occupation.
L’active circulation commerciale qui s’est développée, surtout
depuis un siècle, sur le bas Danube, a cependant complètement
transformé la physionomie d’un certain nombre de ces bourgades.
En face des anciennes cités romaines de la rive bulgare, se sont
formés, suivant la loi des villes-ports, des ports de plus en plus
prospères. A Yiddin s’oppose Calafat, à Nieopoli, Turnu Magurele,
à Silistra, Calaraçd. La création du réseau de voies ferrées, qui
manque en Bulgarie, a puissamment contribué à assurer la suprématie
aux ports roumains. La facilité des débouchés donnés ainsi
à l’agriculture des plaines valaques, a rendu de plus en plus active
l’exploitation de ces belles terres à céréales. Le peuplement récent
des régions semi-désertiques du Bàrègan et du Buzeu,' autant que
l’afflux de populations agricoles sur la. berge danubienne, sont dus
ainsi au courant commercial qui circule sur le grand fleuve.
La vallée danubienne, avec ses solitudes marécageuses d’où
l’homme semble proscrit, se trouve donc être devenue un des facteurs
les plus importants de la vie économique de la Yalachie, un
des points où l’activité humaine est le plus sensible et le plus
féconde. C’est la zone où l’on trouve le nlus de villes, et l’aspect
moderne que présentent des cités comme B ràila ou Galaji, ou
même des ports moins importants, comme Calafat, Giurgiu, Calara,
d, témoigne des transformations accomplies dans l’espace de
quelques années. C’est par cette voie internationale du Danube,
suivie jadis par les "V énitiens, et où circulent maintenant les bateaux
de la Compagnie austro-hongroise, les péniches chargées de céréales
et les bateaux grecs à demi-enterrés sous des montagnes de bois, où