dos l. La double nécessité de se couvrir chaudement et de garder la
plus grande liberté de mouvement possible, dans un pays de relief
accidenté, a créé ou conservé des formes originales du costume montagnard,
véritable costume national pour une race de bergers et de
pâtres. La peau des animaux en fournit les éléments les plus essentiels.
C’est elle qui donne la caciula. C’est avec une peau de mouton,
dont la fourrure est tournée en dedans, qu’on fait le pieptar, sorte de
gilet qui s’ouvre sous le bras, du côté gauche, et que portent hommes
et femmes (v. planche E. IX ); le cojoc, sorte de veste fourrée; la
sarica (appelée aussi cojoc par les bergers transylvains), grand manteau
dont la laine longue est tournée vers l’extérieur, et qui tombe
jusqu’à la cheville, donnant au berger, coiffé de la caciula, l’air de
quelque bête fantastique. La sarica se retrouve en Transylvanie et
jusque chez les Roumains de Macédoine. La taille est serrée par
une ceinture en cuir (chimir), fermée par des courroies et souvent
brodée; partie essentielle du costume du montagnard, qui trouve
moyen d’y loger son couteau, son tabac, sa pierre à feu, et même
quelques paras (v. planche E. IX ).
Pour conserver aux membres inférieurs toute leur agilité, l’homme
les enveloppe d’un pantalon de laine étroit ; la femme remplace la
jupe par la iota, pièce d’étoffe assez longue pour tomber jusqu’aux
pieds, assez large pour faire le tour de la taille, à laquelle une ceinture
la serre étroitement ; ou bien par Yopreg, double tablier pendant
par devant et par derrière, vêtements commodes, mais aussi peu
conformes à l’hygiène qu’au sentiment de la pudeur2. Les pieds
sont invariablement chaussés de Yopinca, sorte de sandale de cuir,
attachée par des cordons entortillés autour de la cheville, commune
dans tout le X. de la péninsule balkanique depuis une époque très
reculée 3.
La veste de laine (m inteanul), le grand manteau de laine qu’on
appelle, suivant la région, suman, gheba ou dulama, sont déjà, avec
leur ornementation de passementerie, quelque chose de moins ori1.
Usité encore dans les départements de Mehedinji, Vlaçca, Buzeu, Râmnicu
Sârat (Mano lescü , p. 198)1
2. L’opreg se retrouve en Bulgarie seulement sur les bords du Danube. Le nom
de ¡ota y est donné au tablier richement orné des paysannes valaques (Jir e c e k .
Bulgarien, p. 68).
3. Les Thraces portaient déjà une chaussure pareille à l’opinca (To m a sc h e k . Die
Alten Thraken, loc. cit.). — Selon J ire c e k , op. cit., les opinci sont la chaussure
nationale en Bulgarie.
ginal, où se sentent des influences orientales. On les trouve surtout
dans la région des basses collines et des plaines de Munténie. Là,
toute l’économie du costume est d’ailleurs modifiée, tant par les
conditions géographiques que par les influences étrangères, plus sensibles
dans un pays peuplé et roumanisé depuis peu de temps. Au
lieu du cojoc et de la sarica, nous trouvons la scurtcica, sorte de
paletot court, la giubea, pardessus ouvert tombant jusqu’aux chevilles,
dont la forme de cloche est commune au delà du Danube
(v. Manolescu, fig. 18, p. 95). Le pantalon étroit du montagnard est
remplacé par les nâdragi, aux larges replis, aux poches et coutures
ornées à profusion de galons à la mode serbe, ou par les ismene,
sorte de braie flottante, qu’on retrouve en Serbie et en Bulgarie.
La ceinture est toujours une longue bande d’étoffe rouge ou noire
rayée de blanc. La femme adopte encore plus volontiers les costumes
aisés et lâches. Le hondrocu, sorte de camisole doublée de flanelle,
remplace pour elle le pieptar, de même que la jupe (rochia), prend
la place de la iota. Le costume des deux sexes perd son caractère
original, même à une certaine distance des grandes villes 1. Le goût
disparaît des riches broderies qui parent les costumes de fête des
paysannes de la région montagneuse : tuniques aux larges manches
fleuries, tabliers ornés d’incrustations dorées. Seuls les villages de
mocani (immigrants transylvains), conservent les pittoresques costumes
d’outre-mont.
I I
Essayons de pénétrer plus avant dans la vie du paysan roumain.
Celui qui jugerait sa situation matérielle par Péclat, la gaieté, la
richesse de ses habits de fête, oublierait le mot profond de Spencer,
d’après lequel, chez les peuples primitifs, le luxe précède le nécessaire.
Comme le Breton, le paysan de la Romagne, ou le Grec, le
Valaque, dont le costume vaut plusieurs centaines de francs, se
contente d’une nourriture misérable, d’un logement malsain, de
' meubles grossiers, et montrera une endurance étonnante à la fatigue
et aux privations. Des siècles d’oppression et de misère lui ont appris
à se contenter de peu et à restreindre au strict nécessaire le mobilier
domestique, qui peut brûler d’un moment a 1 autre avec la maison.
1. Rapports administratifs sur les départements de Jatomisa et Ilfov, cités Cbai-
nicbanu, pp. 148-149.