s’accommodent facilement d’un changement de direction dans un
pays où la nature ne leur impose aucune loi. Bientôt se révèlent des
avantages qu’on ne pouvait soupçonner dans la position de la nouvelle
ville, qui continue à croître indéfiniment.
F ig u r e 46. — Circulation commerciale sur les voies terrées en Valachie. Chaque
tronçon de ligne est représenté par une bande dont la largeur est proportionnelle
au tonnage. Les flèches indiquent le sens du courant principal. La partie de la
bande grisée représente le tonnage des marchandises allant vers Bucarest. Sur
les lignes peu importantes, on a renoncé à cette distinction.
D’après la statistique des chemins de fer roumains pour 1897. -
Bucarest se trouve admirablement placée pour être le centre de
la région de culture des céréales. L a statistique des chemins de fer
nous la montre drainant tous les produits du sol jusqu’à Ciulnifa
sur la ligne du Bârâgan, jusqu’à Eâurei sur la ligne de Brâila,
jusqu’à Slatina sur la ligne de Severinu. Elle est le point de concentration
le plus commode des produits de la région pétrolifère et
industrielle de la Prahova. Le trafic de la ligne Ploiesti-Bucarest,
qui dépasse 1 million de tonnes, en est un témoignage h La presque
totalité des produits manufacturés que l’Occident importe en Va-
1. Dare de Seamâ asupra exploatarea câilor ferate romàne pe anul, 1897, Bue.,
1898.
lachie, les produits de l’industrie allemande venant de Tienne et
Kronstadt surtout, entrent par Predeal et sont dirigés, par voie
ferrée, sur Bucarest, qui en garde la plus grande partie.
Craïova et Brâila sont les seules villes de Valachie qui partagent
avec Bucarest ce privilège d’attirer la circulation commerciale sur
une vaste étendue. L’une draine toute la région agricole du Buzeu,
l’autre manifeste encore son indépendance comme métropole de
l’Olténie, en se-chargeant de concentrer les produits de l’industrie
étrangère, qui entrent par Vârciorova, et en provoquant un mouvement
d’afflux vers son marché jusqu’au delà de l’Oltu (fig. 46).
Nul doute que la fortune de Bucarest ne soit due surtout à sa
situation politique. Résidence d’été des princes de Munténie au
X IV e siècle, devenue seulement au X V IIe siècle le siège permanent
du gouvernement1, elle augmente dès lors rapidement. Sous
les Phanariotes, elle devient une ville à moitié grecque et prend
définitivement le rang d’une véritable place de commerce international,
en même temps que d’une métropole intellectuelle et politique
2. Dès lors, nulle hésitation n’était possible sur la position de
la capitale future d’un état roumain. Le nom de Bucarest, nouvelle
Athènes, siège de l’hétairie, était connu dans toute l’Europe, alors
qu’on ignorait Craïova, marché commercial aux mains d’Allemands,
venus surtout d’Autriche ou de Bohême. A partir de l’union des
deux principautés, la population de Bucarest a augmenté avec une
étonnante rapidité, montant de 122,000 habitants (1860), à 221,000
(1872), 232,000 (1894) et 290,000 (1899).
Ce sont donc bien des circonstances historiques qui ont mis en
lumière les avantages de la situation de Bucarest, mais on doit
reconnaître que ces avantages sont réels. Si la position des villes
de plaine n’est pas, en Valachie, marquée d’une façon précise par
la nature, elles n’échappent cependant pas à la loi qui veut qu’une
grande ville soit en relation avec les grandes routes commerciales.
1. Sur l’histoire de Bucarest. Voir B e r e n d e i. Revista Romàna, 1861.— J. M o n n ie r ,
article Bucarest dans'la Grande Encyclopédie.
2. Sur le mouvement, intellectuel à Bucarest sous les Phanarioles. Voir U r e c h ia .
Istoria scoalelor,—P. E l ia d e . De l’influence française en Roumanie, livre II, ch. I.