La baisse est aussi curieuse à observer dans la Balta que l’arrivée
des hautes eaux. Quand les prairies inondées sont abandonnées
par le flot qui y laisse toute une série de mares, l’aspect de la Balta
est celui d’une sorte de région amphibie, où l’eau et la terre s’enchevêtrent
dans un dédale de canaux et de lacs. Il ne faut pas y
voir un lit fluvial, où l’écoulement des eaux obéit aux lois ordinaires.
Dans la plupart des lacs, le niveau des eaux est au moment des
maigres, plus élevé de 1 mètre à l m50 que dans le bras fluvial principal.
Ce trop-plein s’écoule par des gîrle étroites et sinueuses, créant
un courant souvent assez fort.
A la fin de septembre, la baisse des eaux est souvent assez sensible
pour rendre la navigation dangereuse aux abords de Calaraçi et de
Giurgiu. A partir de novembre, le niveau remonte, mais alors apparaît
une autre particularité du régime du Danube, qui arrête sans
espoir toute navigation. Ce sont les prises, qui durent en moyenne
40 jours à B râila1, suivies de débâcles qui prolongent encore de
presque autant la période de chômage.
Les prises commencent généralement dans la Balta. Dès les premiers
jours de janvier, on y voit les bras latéraux gelés ; les mares
et les lacs profonds de un à deux mètres sont pris jusqu’au fond. Le
gel gagne bientôt en aval. En amont de Calaraçi, le fleuve est le plus
souvent encombré de glaces allant à la dérive, mais très rarement
gelé d’une rive à l’autre.
La prise la plus courte observée à Brâila est de 12 jours (1880-81),
la plus longue dura 96 jours (1878-79). De 1836 à 1896, on compte
13 années où le bas Danube n’a point gelé. Mais même dans ce cas,
les débâcles de glaçons arrêtent la circulation. Souvent elles durent
jusqu’au début de février. Dans la région de la Balta, elles se prolongent
parfois plus longtemps, les bras secondaires comme le
Borcea restant pris, tandis que les glaçons dont les lacs gelés en
hiver offrent une réserve inépuisable, circulent sur le bras principal.
Aux endroits où le courant se resserre, on peut alors observer des
luttes terribles entre les glaçons culbutés les uns sur les autres avec
fracas.
Les prises et les débâcles du bas Danube achèvent d’en faire un
fleuve de climat continental dont la physionomie est assez voisine de
1. Moyenne nour 1836-96. Les moyennes décennales sont 1836-46 : 43 j.: 1846-56 :
39 ; 1356-66 : 46 ; 1866-76 : 39:1876-86 : 26 j. 1/2 ; 1886-96 : 48 j. — H e p ite s. Niveau
du Danube, ira Climat de Braila, loc. cit.
celle des fleuves russes. Son régime, en partie dû à des influences
lointaines comme son origine, est modifié par l’influence du climat
et des rivières valaques, surtout en ce qui touche la date et l’importance
des maigres. Les oscillations dont l’amplitude et la lenteur
sont en rapport avec sa puissance, ont des résultats géographiques
frappants, qui justifient l’analyse à laquelle nous avons tenté de les
soumettre. Elles transforment périodiquement l’aspect de sa vallée,
jusqu’à en faire un monde à part, où sont réalisées aussi bien pour
l’homme que pour les plantes et les animaux, des conditions de vie
spéciales.