son lit tend à se déplacer, ensablé par les éboulis de la falaise de
Hinova ; vers l’amont, le courant furieux qui se brise sur les récifs
des Portes de Fer, rend à peu près impossibles les travaux préliminaires
à l’établissement d’un pont, ainsi que le passage en barque.
Les ruines du pont de Trajan, dont on voit encore aujourd’hui aux
basses eaux les pylônes, témoignent de l’importance attachée par
les Romains à cette position, maîtresse à la fois de la route du Danube
et de la grande voie, vers Ulpia Trajana (ïïatzeg), et Apulum (Klau-
senburg), la plus fréquentée de toute la Dacie h Plus tard, Severinu
reste, pendant longtemps, la métropole de l’Olténie, disputée entre
les Hongrois et les Bans roumains. La descente de la civilisation et
de la puissance politique vers la plaine, vers Strehaïa et Craïova,
a ralenti, sans l’arrêter, le développement de cette ville, encore une
des plus vivantes de l’Olténie (18,626 habitants).
II
L a grande voie du Danube à donné naissance à toute une série de
mlles-ports. La vallée offre une suite d’élargissements où s’étalent
des lacs ou marécages, traces d’anciens bras, et d’étranglements où
le courant fluvial baigne à la fois la haute falaise bulgare et la
berge des terrasses vaiaques. Ces étranglements sont uniformément
occupés par deux villes qui se font face, rappelant la disposition des
villes danubiennes en Hongrie 2. A Viddin correspond Calafat, à
Rahova Bechet, à Nicopoli Turnu Hâgurele, à Sistovo Zimnieea,
à Rusciuc Giurgiu, à Turtucaïa Oltenita, à Silistra Calaraçi.
Si les plus florissantes sont celles de la rive roumaine, les plus
anciennes sont celles de la rive bulgare et serbe. La voie romaine
ne pouvait suivre la rive gauche, souvent plate et marécageuse ; là,
comme en amont des Portes de F er 3, elle s’élevait sur les hautes
croupes de la rive droite, d’où l’on domine au loin la plaine, et ses
principales étapes étaient les ports de la rive bulgare : Bononia
(Yiddin), Augustae (Rahova?), Novae (Sistov), Pristal (Rusciuc).
C’est lorsque la navigation sur le bas Danube a commencé à se
développer, que des établissements ont été créés sur la rive valaque.
Plusieurs des cités commerçantes fondées ainsi, peut-être par les
1. Gôtz. Verkehrswege im Dienste des Welthandels, p. 395.
2. Voir Pbtehs. Die Donau.
3. Gôtz. Verkehrswege.
V énitiens1, ont disparu. Telle cette mystérieuse « Nedeia cetate »,
dont parlent les contes populaires 2, et que la légende représente
détruite par un cataclysme naturel 3. Celles qui ont subsisté sont
toutes en rapport avec une ville de la rive droite. Le développement
pris par quelques-unes, comme Turnu Mâgurele (8,668 habitants),
Giurgiu (13,977 habitants), Calarasi (11,024 habitants), date surtout
de ce siècle. Il est dû à l’activité de plus en plus grande de la
circulation sur le bas Danube, à partir de la fondation de la Compagnie
de1 Navigation, à l’établissement des chemins de fer en Va-
lachie, et à l’essor pris par la grande culture des céréales dans la
région des plaines de Munténie. Calarasi a surtout profité de la mise
en valeur des steppes du Bârâgan. Giurgiu doit beaucoup au voisinage
de Bucarest. La preuve en est donnée par le tonnage relativement
élevé de la circulation des marchandises de Giurgiu à la
gare de Filaret (v. fig. 45).
Au contraire, certaines villes ont souffert de tentatives maladroites
pour créer artificiellement, à peu de distance du Danube, une ville
de plaine. C’est ainsi qu’Alexandria, fondée en 1833, a nui au développement
de Turnu Mîigurele, et l’incertitude du résultat de la
lutte entre ces centres urbains est sensible dans lçs fluctuations de
l’administration préfectorale, transportée tour à tour de l’un à l’autre
pendant les cinquante dernières années.
Brâila est, de toutes les villes danubiennes, celle dont la fortune
à été la plus éclatante, malgré le voisinage de Galafi. Placée à
l’endroit où les bras du Danube, qui s’égarent dans la Balta, se réunissent
pour la dernière fois en un courant puissant, large de plus
de un kilomètre, profond de 20 mètres, le port de Brâila était
destiné à être le point terminus de la grande navigation sur le
Danube, et les luttes qui l’ont maintes fois ensanglanté, témoignent
de l’importance qu’on a, de tout temps, attaché à cette position. Le
X IX e siècle a vu Brâila se transformer en une ville moderne, régulière,
propre, peuplée pour un tiers d’étrangers. Les voies ferrées,
qui sillonnent la région des plaines du Buzeu, y amènent les céréales,
portant à 1,000,000 de tonnes le trafic de la ligne Fâurei-B râila
(v. fig. 46). Les lourdes péniches, qui descendent le Danube en
1. Haçdeu. Etymologicum magnum, t. IV, introduction, p. CXXXVII.
2. Notamment le conte du Fils du chasseur. S a in ea n u . Basmele, pp. 330-331.
3. Dict. Geogr. Jud. Dolju.