C’est une des raisons pour lesquelles les cultures et les habitations
se concentrent dans les vallées. Le déboisement des collines élevées
serait imprudent, et sans doute plus nuisible qu’utile à l’agriculture.
Cette région qui semble très peuplée lorsqu’on suit les vallées, l’est
en somme assez peu (45 habitants par kilomètre carré). Ce n’est qu’en
approchant de la montagne qu’on voit les inégalités du sol s’atténuer
et en même temps les habitations se disséminer à peu près uniformément.
Les hautes vallées de l’Argeç, du Topolog, du Itîu Târgului,
débouchent à leur sortie de la montagne dans une zone de faible
relief, aussi peuplée que les dépressions subkarpatiques d’Olténie.
Lorsqu’on arrive à Corbeni et Arifu, ou qu’on va de Câmpullung à
Nâmâiesci, l’abaissement des collines qui encadraient jusque-là les
vallées de hauteurs escarpées, est d’autant plus sensible que les
Karpates s’élèvent brusquement par un abrupt de 500 à 700 mètres
de hauteur relative. Lorsqu’on gravit les pentes boisées du Grhrj;u
au-dessus de Corbeni, ou qu’on monte sur les croupes pelées et
hérissées de lapiez de Piatra Nàmâiescilor, la vue rappelle les dépressions
subkarpatiques, telles qu’on les connaît à l’O. de l’Oltu. L’origine
de ces affaissements semble être d’ailleurs la même. Les grès
éocènes qui s’appuyent sur le granité du Freinte, pendent fortement
vers le S., tandis que l’inclinaison est assez faible entre Corbeni et
Albesti. A Câmpullung on a signalé des graviers pliocéniques form
ant un synclinal1. C’est ici la dernière ébauche des dépressions
subkarpatiques. Le phénomène perd déjà en ampleur et en continuité.
La dépression de Corbeni-Arifu est entièrement isolée par
rapport à celle de Câmpullung.
Celle-ci est de beaucoup la plus riche et la plus peuplée. La présence
d’une ville comme Câmpullung, porte la densité de la population
à 157 habitants par kilomètre carré. L’antique capitale de
Radu Negru, premier centre de la vie politique en Munténie, a, grâce
à son heureuse situation, échappé à la décadence qui a réduit Curtea
de Arge^ au rang de petit village. Tête de ligne de la grande route
qui passe en Transylvanie par le col de Bran, centre d’une région
fertile et bien cultivée, chef-lieu du département de Muscel, c’est
encore une petite ville de .6,810 habitants qui voit en été sa popu1.
L. Mr a zec . Contribution à l’étude de la dépression subkarpatique, Bull. Soc.
Sc. Bue., 1901.
lation doublée par l’afflux des baigneurs et des touristes Bucares-
tois. La fortune de Câmpullung ne semble pas d’ailleurs avoir jamais
subi d’éclipse ; déchue du rang de capitale, elle resta longtemps la
seule ville franche de Valach ie, sorte de petite republique, avec un
conseil municipal électif (les douze pargarî), et un maire (judeful),
investis de pouvoirs financiers et judiciaires. La commune avait son
sceau de fer et délivrait aux commerçants des passeports, respectés
paraît-il, jusqu’en Turquie h L’importance actuelle de Câmpullung
est due à sa position géographique. C’est la seule ville qui puisse
servir de débouché à une région montagneuse relativement assez
peuplée et assez fréquentée. Mais elle a dans liucâr, située au coeur
même de la montagne une rivale de jour en jour plus redoutable, et
qui pourrait le devenir encore plus, si le projet de chemin de fer
Rucar-Gàiesci était enfin réalisé.
La région des hautes collines proprement dite n’est pas attirée
vers Câmpullung. Curtea de Argeç y tient des foires, où l’on s’amuse
plus qu’on ne vend. Les vallées qui sont les voies de communication
naturelles, convergent toutes vers Pitesci, et c’est de ce
côté que se porte tout le mouvement commercial. La plaine qui
entoure la villë est d’ailleurs un des coins les plus fertiles de la
Valachie,:et a dû être de très bonne heure un centre de peuplement.
Elle se continue tout le long de la large vallée de l’Argeç, jusqu’à
Gâiesci, dominée par une ligne de hauteurs assez escarpées, où les
hameaux s’échelonnent au milieu des vignes et des vergers. Ces
coteaux qui frappent de loin la vue lorsqu’on arrive du S. à travers
les plaines monotones du Teleorman, sont le rebord même des collines
d’Argeç, dominant la terrasse diluviale par un abrupt sans cesse
avivé par l’érosion d’une rivière importante. L ’exposition favorable,
la bonne qualité du sol (marnes et sables pontiens), en ont fait dès
longtemps un des lieux d’élection pour la culture de la vigne et
des pruniers. Les vins des coteaux d’Argeç ne sont pas moins renommés
que la fuica de Golesci. A part les vallées surpeuplées de
Prahova, Jalom ija ou Teleajna, il n’est peut-être pas de région qui
laisse une plus forte impression de richesse et de vie exubérante. La
densité de la population y atteint 257 habitants par kilomètre carré.
Ainsi se vérifie encore une fois le principe qui veut que la population
se porte toujours de préférence à la limite de deux régions
1. C. D. Ah ic escu . Istoria Câmpullungului in Di et. Gèogr. Muscel., pp. 77-79.