C’est à l’E. de cette ligne que les collines de Munténie ont le
caractère le pins original ; on n’y retrouve plus aucun des traits des
collines d’Olténie. A l’O. de cette ligne la transition est au contraire
sensible. Moins étalée qu’en Olténie, la zone des collines a cependant
encore une largeur notable (50 à 80 kilomètres) ; déjà plus intimement
soudée aux Karpates, elle en est encore séparée quelquefois
par des dépressions comme celle de Câmpullung, qui sont la dernière
ébauche des dépressions subkarpatiques. Enfin, on y peut encore distinguer
nettement une région de hautes collines profondément ravinées,
et de basses collines déjà assez semblables par leur allure de
plateau à la terrasse diluviale sur laquelle elles viennent mourir
insensiblement.
Les premières forment une zone de relief très accidenté depuis
le pied des monts de Eogarash jusqu’à une ligne passant par Pitesci
et les sources de la Vedea. Les cours d’eau qui y ont ciselé dans les
couches tertiaires une série de vallées à peu près parallèles, sont
tous, à l’exception du Topologu, tributaires de l’Argeç. Cette rivière
est donc le principal facteur du relief du sol et mérite de donner
son nom à la région (hautes collines de l’Argef).
Ce sont bien de hautes collines, presque de petites montagnes.
Lorsqu’on remonte les vallées de l’Argeç ou du Topologu, on est
frappé par la raideur des versants. De véritables escarpements de
près de 50 mètres, se montrent près de Curtea de Arge§. La différence
moyenne de niveau entre les thalwegs et les crêtes est de
200 mètres, et la multiplicité des vallées parallèles réduit les dos
de terrain qui les séparent à des plateaux étroits. Aulle part en
Olténie, il n’existe de région aussi déchiquetée. Les communications
de l’E. à l’O. sont des plus difficiles. Le chgmin de fer de Curtea de
Argeÿ à Calimanesci, qui s’impose d’autant plus qu’on est en train
de pousser la voie ferrée à travers le défilé de l’Oltu, n’a pu encore
être entrepris. L ’établissement de la voie présenterait autant de
difficultés que celui d’un chemin de fer de montagne. Pas de vallées
transversales, aucun passage abaissé d’une vallée à l’autre. De plus,
toute la région est formée par les grès du flysch éocène, mêlés de
marnes feuilletées, qui, avec les argiles gypsifères de l’helvétien,
et les sables marneux du pontien1 constituent un terrain instable,
1. Sabba Stefanescu. Etude sur les terrains tertiaires de Roumanie.
sujet aux éboulements et aux glissements. Il faut ajouter que ces
couches sont légèrement plissées et inclinées généralement vers
le S. b
Cette inclinaison, déjà très sensible à Curtea de Arge$ (10 à
15 degrés), a déterminé la formation du réseau hydrographique, qui
ne compte que des cours d’eau conséquents ; mais déjà de petits
escarpements, correspondant aux bancs marneux plus résistants du
pontien ou aux couches gréseuses les plus dures de l’éocène, se
montrent, orientés transversalement. Leur répétition constante
donne au profil des collines l’aspect d’une sorte d’escalier aux marches
allongées ; c’est peut-être le trait le plus frappant du paysage.
Les vallées, plus larges dans les marnes pontiennes, plus étroites
et plus profondes dans les grès éocènes, qui y forment des escarpements
connus sous le nom de rîpé 2 (y^, planche E ), sont toujours
accompagnées des mêmes terrasses qu’en Olténie. La terrasse inférieure
de cailloutis recouverts d’un limon loessoïde est déboisée, bien
cultivée, et semée de petits hameaux qui se groupent surtout au
pied de la terrasse supérieure. Les dos de terrain qui séparent les
vallées sont encore presque partout boisés.
Le climat de toute cette région est assez semblable à celui des
hautes collines de Yâlcea. Les précipitations y sont très abondantes
(Curtea de Argeç 936 m/m), et la plus grande partie des pluies tombe
en juin et juillet 3, en sorte que la sécheresse d’été est inconnue.
Ces pluies ont parfois une violence extrême. C’est à Curtea de Arge?
qu’on a enregistré le maximum diurne le plus élevé qu’on connaisse
jusqu’à présent. Le 7 juillet 1889 on recueillit en 24 heures, 226 m/m 3 ;
encore faut-il noter que la presque totalité (204 m/m) avait été donnée
par une averse torrentielle de 20 minutes b Il est facile d’imaginer
l’influence que peuvent avoir de pareilles ondées sur les cours d’eau,
et la puissance érosive qu’elles prêtent au moindre ruisselet. Des
glissements et des éboulis suivent presque toujours les périodes de
pluie.
1. P o pov ic i H a tzeg. Etude géologique des environs de Sinaïa, coupe de Valea
Doamnei, p. 145.
2. S abba Stefanesoüj. Etude sur les terrains'tertiaires de Roumanie.
3. Curtea de Argeç : J. 55; F. 46; M. 54; Av. 86; M. 91; J. 178; Jt. 98; At. 57; S. 58-
O. 64; N. 67; D. 66.
4. H e p it e s . Régime pluviométrique, p. 65.